Julien JURDIE |
Dans l'édition
du Parisien
du 20 juillet 2015, le directeur sportif d'AG2R Julien Jurdie
explique pourquoi il s'est fait tatouer le blason de la ville de
Saint-Etienne sur le flanc droit. |
Si AG2R apprécie
les Verts, la réciproque est vraie comme l'attestent les propos tenus
par Roro dans Aujourd'hui en France. Source : Poteaux Carrés |
Son interview sur le site Poteaux Carrés (17 juillet 2014)
Avant de faire son retour aujourd'hui dans sa ville natale à l'occasion de l'étape du Tour de France Bourg-en-Bresse > Saint-Etienne, le directeur sportif d'AG2R Julien Jurdie a répondu à nos questions.
AG2R assure vraiment depuis
le début du Tour. Quel bilan dresses-tu à l’issue de ces onze premières étapes
?
Le bilan est presqu’exceptionnel. On a notamment réalisé une traversée des
Vosges particulièrement intéressante. Blel Kadri a remporté une belle
victoire à Gérardmer samedi dernier. Deux jours plus tard, dans l’étape
reine des Vosges entre Mulhouse et la Planche des Belles Filles, on a réussi un
joli tir groupé avec nos deux leaders Romain Bardet et Jean-Christophe Péraud.
Il sont 4ème et 8ème au classement général, on est premier au classement par
équipe, on a déjà gagné une étape. Le bilan de cette première partie du
Tour est vraiment très bon !
Quelles sont tes ambitions pour la fin de ce Tour ?
Notre ambition, c’est de continuer de courir comme on le fait, en ne loupant
pas les échappées, en étant performant dans la durée. Deux des grands
favoris ne sont plus là, Froome puis Contador ayant abandonné. Le Tour devient
beaucoup plus ouvert, forcément. Il va encore y avoir des ouvertures, il faudra
de nouveau être opportuniste. Au début du Tour, notre priorité était le
classement général par équipe. A titre individuel, on souhaitait que deux
coureurs finissent dans le top 10 voire dans le top 15. Les abandons prématurés
de Froome et Contador changent un peu la donne. On va rehausser un peu nos
objectifs. Nos deux leaders Romain et Jean-Christophe peuvent viser le top 5.
Peuvent-ils viser le podium ?
Le podium, ce serait merveilleux, ce serait quelque chose d’historique. On
l’a un peu au fond de la tête. Mais pour l’instant on ne veut pas trop en
parler, on ne veut pas se mettre de pression supplémentaire. On veut continuer
de surfer sur cette belle vague qui nous porte depuis le début du Tour. Les garçons
sont en confiance, ils continuent de bien courir. Au fil des étapes, on verra
comment ça va évoluer. Ne tirons pas de plan sur la comète, prenons les étapes
une par une.
Ton discours rejoint celui de nombreux footeux, qui veulent prendre les
matches les uns après les autres ! A AG2R comme à l’ASSE, la principale
force, c’est le collectif. Partages-tu ce point de vue ?
Complètement ! C’est ce qu’on essaye de développer depuis plusieurs
saisons. Moi je m’applique à créer ce collectif, à l’entretenir. Le
cyclisme est un sport individuel qui se pratique en équipe. On s’aperçoit
que si on a une grande force collective, on peut faire de grandes choses, à
l’image de notre saison 2014. On a remporté 14 victoires, certaines
prestigieuses comme à Paris-Nice et au Tour de France. On se doit d’être
collectif pour être performant, c’est ma vision des choses.
Comme l’ASSE, AG2R bénéficie d’un bon encadrement. Comment décrirais-tu
ton rôle de directeur sportif ? Es-tu le Galette d’AG2R ?
Je n'ai pas la prétention de me comparer à Christophe Galtier. Mais à mon
sens on fait un peu le même boulot. Je coache des athlètes de haut niveau, je
mets des stratégies en place. J’établis des objectifs clairs pour chaque
coureur avant chaque départ. C’est différent du football, dans le sens où
on part sur une aventure de trois semaines et que les étapes durent plus de 90
minutes. Mais il y a des points communs dans la préparation. On vit toute
l’année avec les athlètes. Je pense que la psychologie joue un rôle
important dans le sport de haut niveau. Christophe Galtier semble d’ailleurs
très fort dans ce domaine-là. A mon niveau, je m’applique aussi car je sais
à quel point ce facteur est déterminant. Je fais en sorte que mes coureurs
soient les mieux armés mentalement pour tirer le meilleur d’eux-mêmes.
Ce jeudi, le Tour de France fait étape à Sainté, ta ville natale. Ça
représente quoi pour toi ?
Ce sera très sympa à vivre. Cette année il y a non seulement une arrivée
mais aussi un départ. C’est vraiment appréciable. J’habite à la Talaudière,
on va passer devant chez moi. Du fait de mon travail, je suis en déplacement
environ 200 jours dans l’année. Forcément, ça va être des émotions
importantes même si ça n’est pas la première fois que Sainté accueille le
Tour. Je suis fier de revenir dans ma ville, qui plus est cette année avec une
grosse équipe. Je suis né à Saint-Etienne il y a 41 ans, j’ai toujours vécu
dans la région stéphanoise. J’ai beaucoup d’attaches ici. Ça me tient à
cœur d’être présent à Saint-Etienne, même si l’étape sera difficile
pour nous. Ce ne sera pas l’étape la plus importante pour AG2R mais bien sûr
on essayera de mettre quelqu’un dans l’échappée.
Quand tu retournes à Sainté, t’en profites pour faire des balades à
vélo ?
Oui, on a la chance d’être dans une très belle région. Je pense bien sûr
au Parc du Pilat, à la plaine du Forez, aux monts du Lyonnais. Il y a plein
d’endroits très sympas pour faire du vélo. Pas mal de moyenne montagne, mais
aussi du plat. Il y a de belles routes. A chaque fois que j’ai du temps,
j’essaye de faire des petites sorties de deux ou trois heures avec des potes
dans les alentours de Sainté.
Pour l’arrivée du Tour à
Sainté, l’ASSE a lancé l’opération « Tous en Vert », invitant tous les
spectateurs à afficher fièrement leurs couleurs. Que penses-tu de cette
initiative ?
Je la trouve excellente. Ça fait un moment que Roland Romeyer m’en avait parlé.
Ça va être super sympa de redécouvrir le peuple vert d’une autre façon au
bord de la route. J’ai d’ailleurs constaté qu’il y a plein de supporters
stéphanois tout au long des trois semaines, quelles que soient les régions
qu’on traverse. C’est mon dixième Tour de France en tant que directeur
sportif, et chaque fois je suis frappé par tous ces drapeaux de l’ASSE, tous
ces maillots verts, de toutes les époques ! On va dire que je suis chauvin
parce que c’est mon club et que je suis passionné par l’ASSE. J’ai
l’impression de voir plus de maillots de Sainté que de maillots des autres équipes.
Mais même mes collègues plus neutres ont remarqué qu’il y avait des
maillots verts à toutes les étapes du Tour de France. C’est sympa à voir.
Ce jeudi, ce sera encore plus frappant bien sûr !
Tu as évoqué Roland Romeyer, un grand fan de vélo actuellement en
convalescence suite à sa chute à l’Ardéchoise. Apprécies-tu le personnage
?
Je connais bien Roland. J’ai eu la chance de dîner avec lui plusieurs fois.
Je suis proche de lui. C’est quelqu’un qui a une gentillesse énorme.
C’est rare dans ce milieu du football professionnel que je ne connais pas
parfaitement mais suffisamment pour m'en faire une idée. C’est rare de voir
quelqu’un qui occupe un rôle aussi important rester aussi simple et abordable
avec tout le monde. C’est surtout ça que je retiens chez Roland, sa
gentillesse. Il est toujours là pour donner un billet pour aller voir un match.
C’est quelqu’un d’attentionné qui en plus gère très bien le club.
Dominique Rocheteau va remettre le maillot Vert à l’arrivée du Tour
à Sainté. Tu ne préfèrerais pas plutôt qu’il remette le maillot blanc ? A
moins que t’aies décidé de débaucher Peter Sagan pour faire l’étape ?
C’est sûr que Dominique Rocheteau ne remettra pas le maillot vert à un
coureur AG2R mais c’est pas grave, on va voir tellement de beaux maillots
verts le long des routes que ça suffira à mon bonheur ! (rires) Romain par
contre a de grandes chances d’avoir encore le maillot blanc du meilleur jeune.
Mais je risque quand même d’avoir du mal à faire changer le protocole pour
que ce soit Dominique Rocheteau qui le lui remette ! Remarque, ce serait un
petit clin d’œil marrant ! (rires) En tout cas, j’espère que je vais
pouvoir recroiser Roland malgré ses récents petits problèmes de santé. On a
pas mal échangé par sms ces derniers temps, j’espère le voir soit jeudi
soit vendredi. L’an dernier, il était venu avec Dominique Rocheteau à l’Alpe
d’Huez, c’est notre coureur Christophe Riblon qui avait gagné l’étape.
Je leur avais fait visiter notre bus. Je les avais sentis impressionnés par le
monde du vélo.
Tu comptes dans ton équipe un jeune coureur particulièrement
prometteur, Romain Bardet. Il est de Brioude, ville de Haute-Loire dont le club
de foot est partenaire avec l’ASSE. Ce régional de l’étape, supporter des
Verts, doit impérativement s'imposer à Sainté sinon ça va barder !
(Rires) Au risque de te décevoir, j'ai bien peur que ce ne soit vraiment pas
une étape pour lui. Il va rester bien tranquille au chaud dans le peloton, car
le lendemain il y a une étape importante, avec une arrivée dans les Alpes à
Chamrousse. Romain va rester bien concentré au niveau du classement dans le
final. On sait que le final vers Saint-Etienne est technique et rapide. Mais
comme on vise le classement général par équipe et qu’on reste toujours à
l’affût dès qu’une opportunité se présente, ce sera important que l'équipe
soit représentée dans l’échappée. J’espère que ce jeudi au moins un de
nos neuf coureurs y sera en dehors de nos leaders. Des coureurs comme Blel Kadri
ou Sébastien Minard auront peut-être une carte à jouer sur cette étape. Ils
auront la mission d’accompagner l’échappée.
Tu es un fervent supporter des Verts. Il y en a d’autres dans l’équipe
AG2R ?
Oui, bien sûr ! Il y a le chauffeur de bus, il a son abonnement dans le kop
sud. Il a son écharpe au-dessus de son volant. C’est un passionné. Le vrai
supporter de l’ASSE qui va à tous les matches dès qu’il le peut. La
famille Pignatelli également est fan de Sainté : Sabino et François, qui sont
les masseurs de l’équipe, sont de fervents supporters de l’ASSE. On a aussi
un mécanicien qui est abonné à Geoffroy-Guichard. Il y aussi Romain Bardet,
je l'ai invité une ou deux fois avec Roland en loges. Il a pu assister à des
matches et aime bien le club. Bien sûr, même s'il ne fait plus partie de l'équipe,
il y a mon grand pote Cyril Dessel, un grand fan des Verts. Dans mon entourage,
j’ai converti pas mal de monde à l’ASSE. Mais il reste encore de rares irréductibles
qui supportent un club voisin. On se chambre pas mal avec les Lyonnais de l'équipe
!
Qui ose supporter les vilains dans ton équipe ?
Dans l’équipe, on a deux coureurs qui supportent l’OL : Hubert Dupont et
Samuel Dumoulin, qui est présent sur le Tour de France. Ils sont originaires de
Lyon donc forcément ça chambre tout au long de la saison. Quand le championnat
se dispute et qu’on se retrouve en course, on est tout le temps branché sur
les résultats de la soirée. On n’hésite pas à s’allumer. Cette année
Sainté a fait une belle saison, on a terminé devant Lyon. Depuis un moment les
Lyonnais commençaient à nous énerver un petit peu. On a pu se venger cette
année avec la triste saison lyonnaise, c’était sympa ! (rires)
Le Tour arrive ce jeudi rue des Aciéries, à 300 mètres du stade
Geoffroy-Guichard. Le Chaudron, ça évoque quoi pour toi ?
Malheureusement, je ne peux plus y aller aussi souvent qu’à une époque.
Comme je suis très pris par mes activités de directeur sportif d’AG2R, je
n’assiste plus qu’à trois ou quatre matches par saison dans le Chaudron.
C’est à chaque fois un immense plaisir d’y retourner. Il y a une ambiance
fabuleuse, notamment pour les gros matches : le derby, bien sûr, mais aussi les
réceptions de Paris et Marseille. Assister à un match dans le Chaudron, ça
fait vivre de grosses émotions. Arriver ce jeudi si proche de ce lieu mythique,
c’est vraiment sympa. Ce serait vraiment un gros clin d’œil de pouvoir
jouer la gagne d’étape avec un de mes coureurs. Même si ça risque d’être
compliqué, ce serait génial !
D’où vient ta passion des Verts ?
Comme beaucoup de Stéphanois, cette passion s’est transmise de père en fils.
Mon grand-père et mon père ont vécu l’épopée de 76. Mon frère qui est un
peu plus âgé que moi est également un fan de l’ASSE. Automatiquement,
petit, on m’a emmené voir les matches à Geoffroy-Guichard. Les Verts,
c’est un petit peu une drogue. Mes activités professionnelles font que
c’est difficile d’aller dans le Chaudron autant que je voudrais. Mais depuis
plus de 25 ans, je n’ai pas passé une seule saison sans voir au moins trois
ou quatre matches. Même quand Saint-Etienne était en Ligue 2, j’allais dès
que possible voir les matches pour soutenir les Verts. C’est quelque chose qui
me tient vraiment à cœur.
T’as une tribune de prédilection dans le Chaudron ?
Maintenant que j’ai l’opportunité d’être en loges, je suis souvent en
loges. Les loges c’est sympa, car on est très bien placé pour assister aux
animations qu’il y a dans chaque kop. De là on a un panorama sur les supers
supporters en train de décorer les tribunes et d’encourager leur équipe. Ils
mettent une sacrée ambiance. Plus jeune j’allais dans la tribune sud mais
ensuite Elie Baup m’a permis de connaître le club de l’intérieur quand il
entraînait les Verts. C’est un passionné de vélo. Grâce à lui j’ai pu
assister à des entraînements, j’ai pu accéder aux vestiaires. Ça m’a
permis de vivre de bons moments. Même s’il a quitté le club en 2006, on est
resté en contact. Je l’ai encore eu hier au téléphone. On échange régulièrement
quand il y a de gros matches ou une actualité vélo importante. Elie, c’est
vraiment un super gars.
Avant de faire carrière dans le vélo, rêvais-tu de devenir
footballeur professionnel ?
Pas vraiment. J'aime bien jouer au foot comme ça avec des potes mais je n'ai
jamais joué en club. Par contre j'ai pratiqué le ski de fond à haut niveau,
j'étais licencié au ski club de Saint-Chamond. J'ai fait pas mal de compétitions
à Chaubouret puis dans toute la région Rhône-Alpes. Je pratique aussi le vélo
depuis l'âge de dix ans en compétition. Ces activités demandaient déjà énormément
de temps, ça laissait peu de place pour le ballon rond. Je suis resté concentré
sur les sports d'endurance tels que le ski nordique et le cyclisme. Le football,
je le vis comme un supporter.
Quel est ton souvenir de supporter le plus marquant ?
Etant né en 1973, je suis trop jeune pour avoir vécu l'épopée. Même les années
Platini, c'est un peu trop lointain. J'ai plutôt vécu les années galère de
l'ASSE. Mais j'ai aussi de bons souvenirs. Celui qui me revient spontanément à
l'esprit, c'est le 5-1 contre Marseille. Voir les supporters marseillais quitter
le stade à la mi-temps quand on menait 4-0, c'était jubilatoire ! J'étais
dans les tribunes, c'était un match exceptionnel. J'ai adoré cette période
Alex-Aloisio car on pratiquait un jeu spectaculaire. Par contre j'ai connu pas
mal de désillusions lors des derbys. J'en ressortais souvent triste car nos
"chers" Lyonnais les remportaient régulièrement. On a regagné à
Gerland, il nous reste à faire de même à la maison. Depuis quelques années
les Verts font plaisir, ils sont repartis sur de bons rails. On n'a pas fini de
parler de l'ASSE dans les saisons à venir !
Quels joueurs affectionnes-tu particulièrement à Sainté ?
C'est avant tout le groupe qui me plaît. Il y a un très bon collectif à
l'ASSE. On a la chance d'avoir un excellent gardien en la personne de Stéphane
Ruffier. J'aime bien Benoît Trémoulinas, j'ai bon espoir qu'on arrive à le
garder. Je l'espère en tout cas parce que je l'ai trouvé très performant dès
son arrivée chez les Verts. J'apprécie beaucoup Loïc Perrin, que je connais
un petit peu. Il est très simple, très sympa et représente parfaitement les
Stéphanois. Sainté a vraiment un groupe performant et attachant. J'espère
maintenant qu'on va arriver à trouver un attaquant de haut niveau pour compléter
tout ça. En tout cas, on a une bonne équipe de guerriers que Christophe
Galtier a bien réussi à faire monter en mayonnaise. Ce groupe est sain, les
joueurs se battent tous pour le maillot vert. J'espère que notre campagne européenne
sera meilleure que celle de l'année dernière. Il faut déjà qu'on passe le
barrage et ensuite ce serait bien de sortir des poules. Si on joue contre des équipes
sympas, ça promet de sacrées ambiances dans le Chaudron !
Quel attaquant aimerais-tu voir débarquer à Sainté, Brandao étant en
partance ?
C'est difficile de trouver la perle rare. Les vrais attaquants, ça ne court pas
les rues. Le rêve ce serait de faire revenir Aubame. Il nous faudrait idéalement
un joueur de cette trempe-là. Il n'y a pas beaucoup de joueurs avec sa pointe
de vitesse. Il était en confiance à Saint-Etienne, il a marqué beaucoup de
buts. Je sais que c'est très compliqué pour les dirigeants de trouver des
joueurs de ce calibre car tous les clubs s'arrachent les grands attaquants et
nos moyens financiers ne sont pas illimités. Allez Aubame, reviens !