|
Portrait
de Gérard Fernandez, l'entraîneur de l'équipe de CFA |
|
Mardi 23 décembre 2003 |
Depuis 1984, il en a vu passer des joueurs, des entraîneurs
et des présidents. Tour à tour entraîneur-formateur, recruteur, adjoint, Gérard
Fernandez a tout fait, tout connu à l'ASSE. Un itinéraire forcément
enrichissant.
Gérard Fernandez n'est pas un homme du passé. «J'ai
horreur de regarder en arrière, cela ne sert à rien. En sport comme dans la
vie, il faut toujours se remettre en question, aller de l'avant» se plaît-il
à dire.
Le Chaudron dans lequel il a baigné depuis tout petit, l'épopée de 76,
l'aventure de Côte-Chaude en DH où il était entraîneur-joueur, il préfère
ne pas s'y arrêter. Pour lui, c'est le lointain passé et il refuse l'habit d'«ancien
combattant»: «Si on s'en contente, on est mort».
«Baup a relancé la formation»
Le passé récent ce sont ces vingt dernières années. Presque deux décennies
passées au service de l'Association sportive de Saint-Etienne. Il y a porté
quasi toutes les casquettes: recruteur, entraîneur des équipes de jeunes (DH
pendant huit saisons, 15 ans, 17 ans, CFA), adjoint chez les pros. Du sur
mesure: «J'ai tout connu, c'est une chance énorme. Le vécu, l'expérience
apportent beaucoup. Le passé sert à ça. Cela permet de progresser et de mieux
gérer certaines situations».
Il s'est éclaté avec la génération des 17 ans qu'il a conduite en 98 au
sacre du Stade de France pour soulever la Gambardella (un an avant, ils avaient
déjà remporté le titre de champions de France face à l'OL). Il a vu la D2 de
près avec Alain Michel puis Frédéric Antonetti. Ça lui a beaucoup servi: «Ce
fut une expérience extraordinaire. Après, quand on retourne s'occuper des
jeunes, on sait les attentes de l'entraîneur des pros en matière de formation».
En vingt ans, Gérard Fernandez en a vu défiler toute une flopée. D'Herbin «un
exemple» à Repellini, de Mankowski à Santini..., il ne les compte plus: «Le
défaut du football c'est qu'on laisse peu de temps aux techniciens pour mettre
en place leur projet».
Main dans la main avec Antonetti
Il a du respect pour tous - «Au haut niveau, je ne connais pas de «tocards»,
ils ont tous quelque chose sinon ils ne seraient pas là» - même si certains
l'ont marqué plus que d'autres. Il cite Elie Baup. Un précurseur: «C'est lui
qui a été à l'origine de la relance de la formation. Il arrivait de Toulouse,
il avait pris de l'avance sur nous. C'est quelqu'un qui avait des idées. Avec
Alain Blachon et Christian Lariepe, il a participé à la création du sport études
en 1993, à l'installation d'une cellule de recrutement. Un virage a été pris
avec lui au début des années 90».
Aujourd'hui c'est Frédéric Antonetti qui a les clés de la maison verte. Les
deux hommes sont en phase. Sur la même longueur d'ondes: «Je ne veux pas lui
cirer les pompes mais Fred est un grand pro et un vrai passionné. Il correspond
à l'esprit et à l'identité du club. Il s'appuie sur la formation, il aime le
travail, la rigueur. Il réfléchit beaucoup à l'analyse des matchs, au moindre
détail. Des 16 ans jusqu'à la CFA, il connaît tous les joueurs». Ils ont une
philosophie en commun: «On forme des compétiteurs pour remporter des matchs».
Jouer c'est bien, «la gagne» c'est mieux.
Sablé le modèle
Fernandez a toujours aimé les joueurs qui mouillent le maillot comme on dit,
qui vont au bout d'eux-mêmes. Dans le genre, Julien Sablé est LA référence
mais il n'est plus tout seul. Certains veulent suivre sa trace: «En arrivant
ici, Julien n'était pas le plus doué. Il a réussi parce qu'il a beaucoup bossé,
grâce à son sérieux, sa volonté, un état d'esprit remarquable. A l'entraînement,
il est toujours à fond, il est aussi très réceptif. Stéphane Hernandez c'est
le même style. Il a beaucoup travaillé. Il a seulement eu la malchance d'avoir
des blessures qui ont ralenti sa progression. Fred Mendy est bien revenu après
un gros pépin qui l'a éloigné huit mois des terrains. Mickaël Pontal n'a
jamais lâché. Quant à Sylvain Meslien, il n'est pas très loin, il fait des
efforts». Ce sont tous ses poulains, qu'il a pour la plupart recrutés, qu'il a
formés: «Je n'étais pas tout seul. La formation c'est le travail de toute une
équipe».
Au fil des années, il a essayé de leur inculquer l'amour de ce maillot vert
que l'on dit si lourd à porter, cette identité stéphanoise très particulière:
«Ce club est populaire, l'attente des gens est grande mais il ne faut pas que
ça nous pénalise. On doit être heureux de jouer à l'ASSE, c'est une chance.
Le club s'identifie à la ville, aux origines ouvrières de celle-ci. Ici, on
aime les gens qui ne lâchent pas, qui sont généreux, qui vont au charbon. On
a horreur des fainéants».
Même si Gérard Fernandez ne vit pas avec le passé, il n'a pas oublié d'où
il vient: «Mon père était mineur. Je suis un pur stéphanois». Un motif de
fierté.
Recruteur un métier de contact
Outre le coaching, Gérard Fernandez gère un réseau d'informateurs afin
de dénicher les talents de demain.
Le bouche à oreille fonctionne beaucoup
« C'est évident. C'est un métier de contact, où le relationnel joue énormément.
Nous travaillons en réseau, avec tout ce que cela suppose de connaissances et
de ficelles. Si quatre personnes sont réellement liées avec nous, le reste
repose sur les relations que l'on peut avoir avec les entraîneurs, qui sont très
impliqués. Après, ce sont les aléas des rencontres »
Où sont les plus importants viviers de joueurs à l'heure actuelle ?
« La région parisienne, qui constitue la plus grosse ligue de France. Après
l'Île-de-France, Rhône-Alpes et la ligue Méditerranée apportent de très
nombreux joueurs également. Pour ce qui concerne l'étranger, on est
aujourd'hui coincés avec les règlements de la FIFA. En gros, on ne peut plus
recruter avant dix-huit ans, en Afrique ou ailleurs. C'est terminé tout ça.
Pour l'Europe, on peut éventuellement disposer de dérogations pour les joueurs
de seize ans, mais c'est extrêmement difficile. »
Vous recherchez un profil particulier de joueur ?
« Que les bons (rires) ! Sachant que nous piochons chez les quatorze ans, il
est très difficile, après avoir détecté le joueur, de convaincre ses
parents. C'est la partie la plus délicate à gérer, et cela se comprend.
Aussi, et ce n'est pas moindre, il y a la concurrence avec les autres clubs
formateurs. A l'heure actuelle, le bon joueur, on le connaît tous. Il n'y a pas
de secret. C'est à celui qui fera valoir les plus solides arguments. »
Justement, que faites-vous valoir en tant que dirigeant de l'ASSE ?
« Que nous possédons un très bon centre de formation, que tout le monde connaît
par ailleurs. L'ASSE reste un club à grosse identité formatrice, avec un réel
suivi sportif et scolaire. Nous travaillons par ailleurs avec Tézenas-du-Montcel,
performant dans son créneau. On a la chance, à Saint-Etienne, d'avoir une équipe
dirigeante qui veut s'appuyer là dessus, qui n'a pas lâché sa ligne
directrice. »
Et quel est votre avis sur les joueurs qui partent avant même d'avoir fini
leur formation ?
« C'est évidemment complètement illogique. En tant que formateur on est évidemment
frustré de voir partir un jeune, comme ça. Notre objectif n'est pas de
recruter un joueur puis de le former et qu'ensuite il fasse ses valises avant même
d'avoir joué chez nous. Mais les grands clubs ont beaucoup de poids aujourd'hui
»
A ce sujet, comment envisagez-vous l'avenir de la formation, en France et
ailleurs ?
« Aujourd'hui, les clubs ne sont plus obligés d'avoir un centre de formation.
Je comprends que les grosses cylindrées ne souhaitent plus en avoir, elles n'en
ont plus le temps. La formation, c'est un travail de longue haleine. Dans un
grand club, un joueur doit être compétitif tout de suite, marquer des points dès
ses premières titularisations. Il est donc plus facile pour eux de piocher
ailleurs. Je dirais par contre que cette évolution est une bonne chose pour les
clubs qui souhaitent rester formateurs, c'est tant mieux pour nous. Cela nous
laisse de la place. Nous devons garder notre identité. »
L'équipe de CFA 2003-2004
Cette année, Gérard Fernandez a retrouvé le poste
d'entraîneur avec l'équipe réserve de l'ASSE qui évolue en championnat de
France amateur (CFA). Son groupe, qui pour lui est toujours «dans la formation,
car les joueurs sont très jeunes», réalise un début de saison prometteur en
développant un jeu appliqué.
«Le groupe a beaucoup bougé»
Moyenne d'âge : 19 ans et 3 mois
«Avec l'équipe de CFA nous sommes encore en plein dans la formation parce que
nous avons un groupe très jeune. La moyenne d'âge de l'équipe est de 19 ans
et 3 mois sur les matches du début de saison On arrive à développer un jeu
intéressant, parfois face à des formations difficiles à manoeuvrer. Les
joueurs progressent très vite ce qui est très encourageant. En fait, ils
sentent qu'ils auront un jour leur chance au niveau du groupe professionnel
s'ils le méritent. Cela les motive.»
«Depuis le début de la saison, le groupe a beaucoup bougé. Au départ, nous
avions un groupe défini, aujourd'hui ce n'est plus le même du tout. Ainsi, au
départ il y avait Folly et Medjani qui étaient prévus dans l'effectif, on
sait ce qu'ils sont devenus. Par la suite, Kamara et Barthélémy sont passés
au-dessus, puis les autres ont progressé assez vite et on a fait monter Perrin,
Houri et même Gomis, ceux qui le méritaient. Cela fait beaucoup de mouvements
au final, mais ce n'est pas vraiment gênant.»
Un travail d'équipe
«Nous pouvons relever qu'il n'y a que trois clubs professionnels de Ligue 2 qui
évoluent en CFA, tous les autres sont en CFA 2. Il y a nous, Troyes et Nancy et
ces deux dernières équipes sont à la peine. Nous sommes les seuls de Ligue 2
à jouer les premiers rôles en CFA. Avec en plus un groupe très jeune comme je
l'ai dit, parce que les autres équipes sont composées de cadres confirmés.
Cela montre qu'il y a eu un gros travail au niveau de la formation, je pense
notamment à Gilles Rodriguez et Jean-Philippe Primard qui font du très bon
boulot et sont à associer à l'actuelle réussite de ce groupe de CFA.»
Un rôle psychologique
«Certains jeunes ont eu leur chance avec les professionnels, puis ils
reviennent en CFA sans perdre leurs chances au-dessus. C'est un peu la difficulté.
Par moment le jeune joueur revient en CFA, il croit avoir franchi un palier et
il oublie qu'il est encore en pleine formation, alors il faut le ramener sur
terre comme on dit. Mais en général il n'y a pas de souci à ce niveau car Frédéric
Antonetti leur a déjà fait passer le message lorsqu'il les a appelés dans son
effectif. Tous les entraîneurs ont un rôle psychologique à jouer auprès de
leurs joueurs. Si l'un d'eux n'est pas bien, il faut lui redonner confiance
parce qu'à 18 ans on est obligé d'avoir des passages difficiles, ces moments-là,
il faut aussi les gérer.»
Créer des repères
«Le travail que nous essayons de produire au niveau de l'équipe de CFA vise à
se rapprocher de ce que l'on va demander à un joueur professionnel. Jouer en
CFA c'est être plus exigeant dans le domaine tactique. Il faut savoir que notre
jeu est exactement le même que celui de l'équipe professionnelle afin qu'il y
ait un certaine continuité. C'est l'avantage d'avoir été adjoint du coach
pendant deux ans, parce que ce que l'on fait à l'entraînement, et que l'on
essaye de développer en match, c'est ce que les professionnels font. Le but est
que le jeune appelé au-dessus ne soit pas surpris par la méthode, qu'il ait
ses repères.»
Les progrès du groupe
«Là où l'on peut mesurer la progression des joueurs de CFA, c'est à travers
les exemples de Houri et Perrin. En début de saison dans notre esprit, nous
n'imaginions pas qu'ils puissent faire des apparitions avec les professionnels.
Au niveau de la qualité de jeu, il y a aussi une belle progression collective.
On peut prendre en référence le match nul que l'on réalise face à Lyon (2-2
à Gerland), qui a un palmarès impressionnant avec son équipe réserve. Ce qui
est d'autant plus intéressant, c'est que nous sommes plus jeunes qu'eux donc »
Les professionnels «jouent vraiment le jeu
«Cette année, l'effectif professionnel est réduit, donc nous avons très peu
de pros dans l'équipe, en moyenne j'en fais jouer trois par match. Ceux qui évoluent
avec nous sont en général très jeunes. Par exemple Pontal lorsqu'il joue avec
nous, je lui donne le brassard sans problème, pour Meslien c'est la même chose
Ces joueurs jouent vraiment le jeu. Ils savent que c'est dans leur intérêt
d'ailleurs. En réalité, comme il existe un excellent état d'esprit dans le
groupe au-dessus, il n'y a aucune raison pour que des joueurs descendent avec de
la mauvaise volonté. De plus, la CFA est aussi là pour redonner confiance, que
ce soit aux professionnels ou aux jeunes »
L'objectif
«L'objectif pour nous il est très clair, c'est que les professionnels passent
de la Ligue 2 à la Ligue 1. Tout le centre de formation, tout le monde est
derrière l'équipe professionnelle.»