Jean-Christophe Hourcade, un ancien du TFC à l'ASSE 
Source : Le Progrès

Vendredi 3 décembre 2004

Jean-Christophe Hourcade, le haut niveau à petits pas

Il a commencé à entraîner à l'âge de 15 ans avant de se tourner vers la préparation physique sa spécialité. Jean-Christophe Hourcade a gravi les échelons un à un. L'été dernier, il est parti en froid avec le TFC qu'il va retrouver samedi soir, avec une dent surtout contre les dirigeants. Le Bordelais est en train de rebondir chez les Verts et ne s'en plaint pas.
LES COQS ROUGES POUR DÉBUTER
" J'ai entraîné ma première équipe à l'âge de 15 ans. Mon petit frère débutait chez les poussins. Il y avait très peu de monde pour s'occuper d'eux. La première semaine, j'assistais un dirigeant. Quinze jours plus tard, les rôles s'étaient inversés. C'était en 1982, depuis je n'ai pas arrêté d'entraîner. Je n'avais pas les qualités pour suivre un bon parcours de footballeur alors que j'en aurais rêvé. J'ai joué en promotion de ligue, en district surtout, ça ne va pas très haut. Mon club c'est les Coqs Rouges de Bordeaux, un patronage centenaire. Claude Bez, l'ancien président des Girondins, y joua. André Menaut aussi qui dirige aujourd'hui Libourne Saint-Seurin. Là-bas, je me suis occupé de toutes les équipes de jeunes jusqu'en 1988 lorsque je suis parti entraîner dans des clubs bordelais plus huppés comme le SA Merignac (minimes et cadets région) ou le Stade Bordelais (juniors, promotion et division d'honneur). Je suis revenu chez les Coqs Rouges en 1992 pour diriger l'équipe première. Le président était mon premier adjoint. Ce fut une histoire fabuleuse. En sept saisons, nous sommes passés de la deuxième division de district à la division d'honneur. Nous avons vécu six montées. J'avais intégré des étudiants de la faculté des sports de Talence. Au départ, dans le cadre de leur stage, ils devaient seulement s'occuper des jeunes du club mais comme la plupart avait l'option "foot", ils ont mis les crampons avec nous. Humainement, ce fut très fort. J'ai connu mes plus belles joies à cette époque ".
L'UNIVERSITÉ EN PARALLÈLE, LA PRÉPARATION PHYSIQUE COMME PASSION
" En 1985, j'ai rencontré Georges Cazorla qui était maître de conférence à la faculté des sports de Bordeaux. C'est lui qui fut à l'origine du premier laboratoire de recherche en physiologie de l'exercice au CREPS de Talence. J'avais 16-17 ans quand je suis allé le voir dans son labo. J'emmenais mes petits pupilles en stage lors des vacances de Noël, comme si c'était des pros. Ce fut une rencontre importante, un déclic pour moi. Ce qui m'intéressait, c'était le côté expérimental, la recherche scientifique dans l'entraînement. Après mon bac, je n'ai pas été reçu à la faculté des sports, alors j'ai fait une école de commerce mais je n'avais qu'une idée en tête, entraîner. Finalement, j'ai intégré le CREPS de Talence. J'ai passé mon brevet d'état d'entraîneur 1er degré. Grâce à ce diplôme et à mon parcours, j'ai enfin pu intégrer la fac des sports où j'ai retrouvé Cazorla. En troisième année, j'ai réussi mon CAPES et en 1997, j'ai été diplômé d'une maîtrise STAPS en physiologie de l'exercice ".
UNE PROPOSITION DES ÉMIRATS
" J'avais été invité en Tunisie à une conférence sur la préparation physique intégrée. A cette occasion, M. Majoub le DTN tunisien m'a proposé de le rejoindre aux Émirats Arabes Unis. Il était responsable technique du club d'Al-Ain, il voulait que je gère la préparation physique. Je suis parti quelques jours pour visiter les installations. J'étais devant un vrai dilemme. Cela faisait quatre ans que j'avais créé mon propre centre d'évaluation et d'entraînement où j'avais une centaine de sportifs sous contrat. Soit je partais, soit je restais dans mon cocon. Ce fut un tournant important de ma vie. Je voulais étendre mon activité professionnelle mais ça a tardé. En plus, j'étais allé jusqu'au bout du challenge sportif avec les Coqs Rouges. Les dirigeants vivaient mal mon ambition qui était de monter en championnat de France. Il fallait intéresser financièrement les joueurs, ils n'étaient pas prêts à franchir le pas. J'avais en plus la sensation d'arriver en fin de cycle, au bout de mes compétences. J'étais un bon entraîneur régional mais j'avais envie d'aller plus loin, de poursuivre ma formation. J'ai toujours ressenti au fond de moi qu'un jour je serai amené à travailler au haut niveau. Même quand je nettoyais les toilettes dans mon centre, je me disais "un jour je serai en haut, un jour j'y arriverai" ".
TOULOUSE, LA DÉCOUVERTE DU HAUT NIVEAU
" En dix années aux Coqs Rouges, je n'avais jamais eu le moindre contact avec un club professionnel. Et là, l'avant-veille de mon départ aux Émirats où je devais signer un contrat de deux ans, Didier Couécou le directeur sportif du TFC, m'a téléphoné. Dans les années 80, mon père avait été vice-président et trésorier des Girondins. Je connaissais donc un peu Couécou. Il m'a dit "je n'ai pas de poste de préparateur physique à te proposer, par contre on vient de se séparer de Giresse, Nouzaret arrive et l'entraîneur des moins de 17 ans nationaux est propulsé chez les pros. Il me faut un remplaçant". D'un côté, j'avais les dollars, un énorme contrat, de l'autre la possibilité de rester en France, à proximité de Bordeaux, d'avoir un poste d'entraîneur à plein temps au centre de formation du TFC. Finalement, j'ai rejoint Toulouse. C'était une belle opportunité qui me permettait d'accéder à un savoir de haut niveau ".
MOMBAERTS, LA RENCONTRE
" Il m'a appris mon métier. Tout au long des deux premières saisons, une très grande complicité nous liait. En tant que responsable du centre de formation, il venait suivre mes séances, il me conseillait, me corrigeait. C'est quelqu'un de très patient qui a une grande capacité d'écoute. J'ai beaucoup appris grâce à lui. Lorsque le club a été relégué en National, il a pris en charge l'équipe première. Il m'a alors demandé d'entraîner la réserve en CFA et de m'occuper de la préparation physique de son groupe. J'ai assuré ces deux tâches pendant six mois avant qu'Erick, sans doute satisfait de mon travail, me demande de passer à plein temps avec l'équipe 1. J'avais envie de me tester au haut niveau. Je ne crois pas au hasard, je crois qu'il y a des signes du destin. En deux ans, nous sommes montés en L2 puis en L1. Avec un groupe limité, on a même réussi à s'y maintenir. Sur la fin, mes relations avec Mombaerts ont été un peu plus heurtées mais parce qu'il y avait quelqu'un derrière qui tirait les ficelles ".
UNE FRACTURE À VIF
" Trois ou quatre jours avant la fin de la saison dernière, j'avais été confirmé dans mes fonctions. Je m'étais entendu avec l'entraîneur et le président pour un renouvellement de contrat. On m'avait fait une proposition. Je me souviens même avoir distribué le programme de reprise à l'ensemble des joueurs. Juste avant de partir en vacances, le président m'a reçu dans son bureau. Je venais pour signer mon contrat, il m'a signifié "écoute, on ne va pas le faire". Il a trouvé des faux arguments. Je crois en vérité que je dérangeais une personne du staff à qui je devais faire de l'ombre. Je venais de réussir mon deuxième degré d'entraîneur, j'avais terminé major de ma promotion pour le diplôme de préparateur physique à Clairefontaine. J'avais même décroché mon diplôme européen de préparation physique en sport collectif, spécialité foot, avec mention. Il vivait mal ma réussite. Cette personne ne m'a pas fait une bonne publicité. Il disait un peu de partout que je rêvais de prendre la place de Mombaerts, que je m'appropriais le maintien. Tout cela est faux, bien sûr. Quand j'ai signé à Saint-Étienne, cette personne a eu le toupet de m'appeler pour me féliciter ".
EN PROCÈS AVEC LE TFC
" Toulouse véhicule depuis trois ans un slogan, "un air de famille". Or, il y a une personne, le directeur général en l'occurrence, qui m'a montré régulièrement qu'on ne pouvait pas faire confiance à la direction. Il est à l'origine de tous les problèmes, en particulier financiers. J'ai signé un contrat avec lui, des avenants qui n'ont jamais été respectés. J'étais considéré par le président comme un "emmerdeur" car je réclamais des choses qui m'étaient dues. Le directeur général m'avait accordé par écrit des augmentations de salaire pour la montée sans que le président ait donné son aval. On a arrêté de me payer au bout de six mois et il a même fallu que je rembourse ce qu'on m'avait donné. J'ai été victime d'un chantage au tout début de la première saison parmi l'élite. Il fallait que j'accepte une baisse de salaire pour bénéficier de la prime de montée en L1. Ils étaient en position de force, j'avais le couteau sous le gorge car j'avais besoin de travailler. Ils n'ont pas été réglos du tout. C'était tordu. Voilà pourquoi aujourd'hui, je suis en procès avec eux. Je ne suis d'ailleurs pas le seul dans ce cas ".
DU RESPECT POUR LES JOUEURS TOULOUSAINS
" J'ai beaucoup d'affection pour le groupe du TFC. J'ai passé quatre ans avec eux. Ce sont des mecs bien. L'équipe a pas mal changé à l'intersaison mais j'ai gardé des relations privilégiées avec le noyau dur. Il y en a même certains comme Aubey, Ebondo que j'ai eus en 17 ans nationaux. Ce sont mes joueurs. Quand j'étais entraîneur, je leur faisais la guerre pour ne pas qu'ils découchent. On a vécu quelque chose de fabuleux ensemble. Je suis très attaché à ça. Je suis très heureux de voir l'évolution de l'équipe, leur progression. Ils le méritent. J'ai gardé également beaucoup d'amis à Toulouse, notamment au centre de formation avec les entraîneurs. Par contre, je n'ai plus aucune relation avec la direction. Le fait d'avoir quitté ces dirigeants est un vrai soulagement ".
ASSE: UN NOUVEAU DÉPART AVEC UN VRAI STAFF
" Je suis peiné que cela se soit mal fini à Toulouse. J'y ai appris mon métier, je m'y suis construit, investi, avec des résultats. J'y ai aussi rencontré un très très grand entraîneur qui fait partie des deux ou trois meilleurs techniciens français. Aujourd'hui, je côtoie l'un des deux ou trois meilleurs entraîneurs européens. J'ai toujours espéré rencontrer un coach de haut niveau. L'opportunité s'est présentée. Pour moi, c'est une grande chance, un honneur de pouvoir travailler avec Élie Baup, quelqu'un de très humain. J'avais envie d'exister indépendamment du TFC, de progresser, de vivre autre chose intérieurement. Saint-Étienne c'est fabuleux. Il y a des exigences très importantes de la part d'Elie, parfois même quelques petits coups de gueule mais je découvre enfin la notion de staff. Il y a beaucoup de respect, de solidarité, d'entraide sans jamais la moindre jalousie. C'est l'une de nos grandes forces. En fait ce qui se passe sur le terrain se passe aussi dans notre vestiaire. A l'ASSE, il y a un vrai staff où le responsable de la vidéo est aussi important que l'intendant, où l'intendant est aussi important que l'entraîneur adjoint. Au TFC, il y a Mombaerts, Casanova son adjoint, entraîneur des gardiens et manieur de ficelles, le président Sadran qui est une sorte de Dieu à Toulouse et c'est tout. Il y a un vestiaire joueur et un duo. Moi, j'ai toujours été à part, avec un bureau séparé. Le monsieur vidéo était considéré comme un moins que rien. Nous étions quantité négligeable ".
PAS REVANCHARD DU TOUT
" Oui, samedi c'est un match particulier mais je n'ai aucun esprit de revanche. Ma réponse par rapport à ce qui s'est passé, elle est ailleurs. Je suis tout nouveau dans le métier, j'ai été trahi le premier jour des vacances, je n'ai pas eu le temps de me retourner et pourtant, grâce sans doute à mon investissement au TFC et à ce que j'avais fait, j'ai été contacté par Élie Baup. Nous avions des amis communs, il s'est renseigné sur moi. Ma revanche je l'ai eue en ayant une chance ailleurs. Par rapport à notre notion de staff, à l'évolution du groupe, je pense que mon bilan à l'ASSE après cinq mois d'exercice est plutôt positif ".
Thomas Dutang (Le Progrès)

"Tout est axé sur l'intensité"

Selon Jean-Christophe Hourcade, le préparateur physique de l'ASSE, les méthodes de travail ont énormément évolué ces dernières années.
" NOUS N'AVONS RIEN RÉVOLUTIONNÉ "
De quelle manière prépare-t-on une saison ?
" Il existe une méthodologie qui appartient à tout le monde. A partir de là, chacun, en fonction de son expérience, fait évoluer cette théorie par rapport à l'effectif. La grande difficulté consiste à juger au plus vite le potentiel du groupe. Certains supportent des charges de travail importantes, d'autres non. Ce fut la difficulté rencontrée en début de saison dans la mesure où nous découvrions le groupe. Nous avons pris des informations auprès des gens en place mais cela ne remplace pas le vécu de dizaines de séances d'entraînement. Nous n'avons rien révolutionné. Nous avons eu une préparation relativement classique avec une montée en puissance de la charge de travail puis une baisse à l'approche de la compétition avec, en parallèle, une augmentation de l'intensité. L'objectif est de poser de bonnes bases durant la seule période de l'année où on peut vraiment travailler. Après, lorsque la saison a débuté, on est à la recherche de l'optimisation puis du maintien des qualités physiques de chacun. "
Jusqu'à présent, il y a guère eu de pépins physiques. C'est une satisfaction pour un préparateur physique ?
" Si je vous répondais par la négative, je serais un menteur même si je sais qu'il n'y a pas de vérité, que nous ne sommes pas à l'abri d'une série de blessures comme ce fut le cas à Toulouse il y a quelques semaines. Lorsqu'on exerce ce métier, c'est pour faire progresser les joueurs. Par rapport à eux qui débranchent après l'entraînement, les membres d'un staff technique pensent et vivent football jour et nuit. Nous avons eu deux pépins musculaires durant la préparation puis des petits bobos lors des premières journées de championnat. Depuis une quinzaine de semaines, il n'y pas de problèmes majeurs au sein d'une équipe qui progresse. Avec Élie Baup, les joueurs ont évolué sur le plan tactique, technique et mental. C'est un entraîneur qui a un énorme impact sur le groupe. Il coordonne l'ensemble du travail de toute une équipe technique et médicale. C'est un travail au quotidien sous les ordres du chef d'orchestre, Élie Baup. Avec Élie, nous sommes totalement en phase. "
" UN TRAVAIL D'ÉQUIPE "
Y a t-il un entraînement à la carte pour certains joueurs ?

" Notre réflexion porte sur l'individualisation du travail et sur le travail intégré. Nous essayons d'avoir une préparation physique intéressante. L'époque où les entraîneurs d'athlétisme avaient en charge la préparation physique dans le foot est révolue. La compétition a ses exigences, il y a peu de temps pour préparer les matches. Les objectifs techniques et tactiques sont dominants. Il y a quinze ans, la préparation physique reposait sur 80 % d'analytique et 20 % d'intégré. De nos jours, avec Élie Baup, c'est l'inverse. Parfois, les joueurs n'ont peut-être pas l'impression de vivre une séance athlétique pourtant cela en est une. Il faut les rendre intelligents, alors le maximum du travail est effectué avec un ballon, à travers des ateliers appropriés, des jeux appropriés. "
Cela ne doit pas toujours être facile.
" Tout est quantifié, tout est étudié en fonction du poste de chacun. Ils sont ainsi sollicités pour un travail de vitesse par exemple, sur une zone de jeu où ils ont l'habitude de se retrouver. "
Vous procédiez ainsi à Toulouse ?
 " Avec Mombaerts, nous étions dans la même réflexion mais le travail est plus pointu à Saint-Étienne. La conception des entraînements est différente. Avec Élie, tout est axé sur l'intensité. L'objectif est de parvenir à répéter les efforts en intensité maximale. C'est cela le haut niveau. Aujourd'hui, notre équipe est très dynamique, avec un énorme volume de jeu. Tout n'est pas parfait mais on voit l'évolution depuis le début de saison. "
La trêve hivernale dure une semaine. Si l'ASSE se qualifie pour les quarts de finales de la coupe de la Ligue, elle disputera 7 matches en 21 jours en janvier. Comment allez-vous gérer cette période ?
" De la manière la plus simple du monde. Les joueurs ont énormément investi, énormément travaillé durant cinq mois. Ils vont complètement couper durant une semaine, cela leur fera le plus grand bien sur le plan psychologique. Le 30 et 31 décembre, nous effectuerons une remise à niveau que je qualifie de diététique. Ensuite, nous retrouverons notre logique d'intensité en intégrant la compétition dans notre réflexion dans la mesure où nous n'avons pas le temps de procéder autrement. Nous nous adaptons au calendrier, au temps de jeu de chacun en privilégiant évidemment la récupération pour ceux qui jouent tous les trois jours, le réajustement pour les autres. "
 Jacky Clavel (Le Progrès)