Affaire Piquionne : le bal des nazes
Source : Site de Subjectifoot

Vendredi 19 janvier 2007

Par Pierre G, consultant franco-francais et francophone (Subjectifoot)
Jan 16, 2007, 17:32

Les paroles ne sont pas de Pierre Delanoë et la musique n’est pas de Michel Polnareff. Cela ne raconte pas les tribulations de l’amour dans la haute société. Cela ne se termine pas mal. Mais ce n’est pas à la gloire des clubs ou des joueurs.

 

Je vous parle de l’Olympique Lyonnais. Depuis quelques années ce club enchaîne les titres de champion de France et les quarts de finale de la Ligue des Champions. D’aucun se prête à prédire à cette équipe qu’elle a dans le jeu de quoi titiller les demi-finales voire plus de la plus prestigieuse compétition… En bon gestionnaire, ces dirigeants n’ont jamais flambé sur le marché des transferts, jouant prudemment la carte des arrivées pleines de promesses, tablant sur une observation sans faille des potentiels porteurs du maillot bleu et rouge. C’est ainsi qu’ils n’ont pas recruté Samuel mais Cris, pas Kaka mais Juninho, pas Cristiano Ronaldo mais Malouda, etc. Un œil de lynx qui leur a permi de réaliser avec le temps des plus values essentielles à leur croissance sportive : Essien recruté à Bastia est revendu à Chelsea, Diarra à Madrid. Car l’option lyonnaise d’achat s’oriente rarement vers des joueurs expérimentés, le cas Sonny Anderson rappelant qu’en pareil cas, l’idée est bien de faire le pari le moins risqué possible, et de recruter alors un joueur dont l’on sait pertinemment que s’il est en jambes, il est hors pair. Ce fut encore le cas de Sylvain Wiltord.

 

Je vous parle maintenant d’un numéro 9. Né en 1978, il débute sa carrière en Ligue 1 au cours de la saison 2001-2002, c’est à dire à 23 ans. En cinq saisons et demi, il aura joué 172 matchs au plus haut niveau français, marquant 41 buts pour ses couleurs, soit une moyenne de 0,23 buts par match, à faire rêver un milieu de terrain. Stop.

 

Je vous parle ensuite de l’entraîneur de l’Olympique Lyonnais, en course pour le titre français, la Coupe de France et la Coupe de la Ligue ainsi que la Ligue des Champions. Cet entraîneur est connu en France pour avoir participé à quelques gloires parisiennes, à la remise en orbite du club de Liverpool, ainsi qu’à l’impossible élimination de l’équipe de France de Foot à la Coupe du Monde 1994. Cet entraîneur s’est dit très intéressé par le profil du numéro neuf décrit plus haut. Sans doute sa moyenne de but, ou son âge, prometteur de belles années de progression, ou son expérience en Ligue des Champions, nulle. Nulle, c’est intéressant, parce que cela promet d’aborder les matchs avec une poésie déstabilisante pour les défenses adverses.

 

Cet entraîneur s’est dit choqué par l’attitude des employeurs du numéro 9 en question, qui n’ont pas le souhait de le vendre en cette intersaison.

 

A sa décharge, il paraîtrait que la nouvelle option des lyonnais en matière de recrutement soit une ligne franchement révolutionnaire. Le cas Piquionne n’étant là que le premier étage de cette politique toute neuve visant à faire atteindre les derniers sommets à ce club qui s’autoproclame grand d’Europe. Quelques exemples en vrac des dossiers qui sont sur le feu du bureau de Bernard Lacombe : le petit Quentin, qui n’a pas perdu sa mère dans le centre commercial d’Auchan, mais a fait un sacré crochet, l’autre jour, à la récré, sur le petit Rémy, avant de retourner en classe pour apprendre la soustraction ; il y a aussi le cas de Robert, amateur de foot qui ne manque pas de faire un footing par jour, ce qui est pas mal à 64 ans, et plein de promesse pour stabiliser davantage la défense lyonnaise autour d’un vrai stratège qui a l’expérience de l’encadrement des jeunes ; on pense encore à ce dossier sur le feu du jeune Martin, aveugle, mais qui, bien guidé par son chien, atteint en ligne droite une vitesse de course bien supérieure à celle de Malouda…

 

Toute plaisanterie mise à part, sur ce coup, les protagonistes de l’affaire ont franchement l’air de grands comiques. Houiller l’offusqué, veut il encore longtemps faire croire que l’opération Piquionne l’intéresse outre mesure ? Ce joueur n’a rien à voir avec l’Olympique Lyonnais, lui en déplaise, au mieux il servira de bouche trou dans les compétitions de Coupe de France, de Coupe de la Ligue et de Championnat. Mais il n’a rien à faire dans l’effectif lyonnais de la Ligue des Champions, quand l’on sait qu’on le place en remplaçant de John Carew, expérimenté à ce niveau, et plutôt efficace quand il a joué. Piquionne intéresserait Paris, soit. Mais Lyon, franchement…

 

Piquionne a bien compris la stratégie à mettre en place dans ces cas-là : il faut être un grand professionnel en attendant de pouvoir lancer la sempiternelle sentence de la confiance perdue en son employeur ! En plein le miroir aux alouettes que lui a tendu l’OL, l’ancien rennais n’y voit plus vert du tout dans sa vie de sportif, il a raison d’être ambitieux, mais il est curieusement pressé pour le grand joueur qu’il considère être devenu. Comme si le transfert qui ne se ferait pas sur une opportunité de blessures chez le voisin lyonnais ne se ferait plus jamais par la suite.

Le numéro neuf a le sens du but, c’est évident, le transfert à l’OL, c’est maintenant, il n’y aura pas de blessés tous les ans. Et dans tous les cas, quelle formidable balance pour faire revaloriser son contrat chez son employeur actuel, si le transfert n’a pas lieu.

 

Dans ce grand jeu de dupes qui ne dupe que les trois protagonistes, le troisième acteur, les Verts, est aussi comique que les autres. Il n’a rien vu venir tout en se clamant très lucide sur ce qui se passait. Autant dire : nous savons que l’OL cherche à nous déstabiliser, et bien nous allons nous déstabiliser ! La gestion du cas Piquionne a été aussi mauvaise à son encontre qu’au niveau médiatique, les dirigeants jouant aux fiers à bras intelligents à qui on ne la raconte pas en matière de coups tordus. Savoureuses déclarations que les leurs. Certains Verts ont dû se porter pâles devant de telles sorties.

 

Résultats des courses :

 

Piquionne clame haut et fort qu’il veut quitter le club de Saint-Etienne…

Les dirigeants stéphanois clament haut et fort que leur neuf va finir par jouer en équipe réserve, alors même que les derniers résultats des Verts attestent de leurs difficultés à franchir le palier du maintien dans les places de tête…

Et pendant que l’OL clame de son côté que l’attitude des Verts n’est pas digne de ce nom et qu’il n’a jamais été dans leur intention de provoquer quelques remous internes chez leur voisin historique et détesté, la piste plus sérieuse de Milan Baros est à nouveau citée… Baros, 25 ans, 31 buts en 53 sélections en équipe nationale tchèque. Et qui peut jouer en Ligue des Champions dès cette année. Avec son bagage de matchs internationaux. Baros n’ira peut être pas à l’OL, mais il est plus sûrement une cible que Piquionne.

 

Bref, un joli « bal de nazes » que Pierre Delanoë n’aurait pas manqué de mettre en chanson, un joli bal de nazes qui nous rappellent que l’OL est devenu un ogre de froide condescendance, que les Verts ont toujours la même tendance à avoir les yeux plus gros que le ventre… Et que le marché de Noël est aussi, n’est ce pas monsieur Piquionne, un joli marché des ego.