Portrait de Laurent Roussey, nouvel entraîneur adjoint de l'ASSE

Jeudi 13 Juillet 2006

Article paru dans l'Humanité en 1999:

Dans la famille " Mais ils sont où ", voici l’ex-enfant prodige du ballon rond, Laurent Roussey, ancien et toujours vert (question de majuscule), trente-sept ans, entraîneur enthousiaste de Rouen, premier du groupe H de CFA2, là, souriant, en claquettes de bain dans son bureau du stade Robert-Diochon. Ça va, mis à part des problèmes d’entraîneur, pas grand-chose. Après-demain, son club rencontre Sedan en quart de finale de la Coupe de France. Une sacrée aubaine pour refaire parler de Rouen, riche passé, heures de gloire, puis le trou dans la mémoire et dans la caisse.

Sous les caméras de Canal +, un homme devenu consultant-rigolo au bord du terrain l’interrogera - Laurent Paganelli, le " toujours pote " -, clin d’oil anecdotique d’une histoire que la légende du foot entretient au coin du feu.

Nous sommes en 1983, comme dirait Laurent Boyer, le toutou des stars du show-biz. Le surdoué Laurent Roussey quitte Saint-Étienne à vingt-deux ans. La suite - Toulon, Alès, la Suisse, le Red Star - brouille une carrière lancée sur les chapeaux de roue. Puis la blessure (un foutu genou) et l’arrêt à vingt-neuf ans. " Ma tête avait envie, mon corps n’avait plus les capacités ", dit-il. Le souvenir - mauvais amant - garde l’image d’un talent hors norme trop vite usé, une surexposition - déjà - trop violente. Pas de réquisitoire, juste un vécu, des impressions. Comme : " Les gens ne sont pas forcément là pour vous aider dans le foot " ou " Dans le milieu, j’ai des connaissances. Beaucoup d’amis, je ne pense pas. "

On évoque Luccin, Dalmat ou Anelka. On oublie Laurent Roussey, qui signe à treize ans à Saint-Étienne. " Mes parents disaient qu’on avait l’impression de vendre un paquet de lessive. " À seize, il débute en D1. À dix-huit, il endosse la tunique tricolore. Fin du Frequenstar. C’est le passé, " cela ne me fera pas vivre ".

Il a tourné la page, pas forcément les autres. Il dit : " Je suis dans le foot " et on entend : " Je suis encore vivant ". On se trompe. " J’aime ma vie aujourd’hui ", ajoute-t-il. Car il est effectivement dans le foot, " oui, mais à certaines conditions. C’est facile pour finir une carrière de devenir entraîneur. C’est le minimum d’efforts. C’est d’y être comme j’y suis qui m’intéresse, avec mes méthodes et mes idées ". Sa profession de foi vaut le détour.

Son idée directrice de mettre le collectif au centre de sa réflexion d’entraîneur semble évidente. Elle procède d’une analyse pertinente. " On voit trop de matches qui se jouent sur la qualité du moment d’un joueur, c’est très ponctuel. Chaque entraîneur parle de combativité, d’abnégation, de courage, de volonté. Cela ne suffit pas. Moi, je cherche une référence, m’appuyer sur un cadre défini, quels que soient les joueurs. Je suis un fana du foot hollandais et de l’Ajax. "

Surtout, il sent " une fibre pour faire ce boulot ". Sa sour, ancienne membre de l’équipe de France d’athlétisme et aujourd’hui professeur de gym, le conseille sur la préparation physique. Ses frères - tous deux anciens joueurs de handball en nationale 1, l’un est aujourd’hui docteur en psychologie et maître de conférences, l’autre psychologue scolaire - l’ont aidé à développer ses idées fondatrices sur le recrutement et la vie d’un groupe.

Laurent Roussey, qui affiche le désir d’" aller entraîner le plus haut possible - en D1, à terme " (il est en fin de contrat) -, fonde sa pensée " sur un critère d’efficacité ". Il précise son discours qui peut paraître à double tranchant dans ce foot récupéré par le monde de l’entreprise et son souci de rentabilité : " Quand un club s’aperçoit d’un taux de 50 % d’échec dans son recrutement, il est satisfait. C’est aberrant. Il faut aller plus loin. Établir un portrait, définir un profil psychologique, d’adaptabilité - le signe d’intelligence - du joueur, de ce qu’il attend, est capable de faire. On va me traiter de fou. Mais j’ai envie d’avoir la capacité d’aller au bout de mes idées. Les managers vont être moins heureux. Ils vous vendent des qualités qu’on voit à la télé. Or, là, on va sur un autre domaine qu’eux ne maîtrisent pas. Les joueurs aussi risquent de faire la tête alors qu’ils veulent donner une image de costaud. Si les Bleus sont champions du monde, ils le doivent aussi à Jacques Crevoisier, psychologue à temps complet à la fédération. Officiellement, il n’était pas dans le staff, mais il a travaillé en amont pour déterminer le profil psychologique des joueurs. À partir de là, Jacquet a fait ses choix. "

Il puise ses idées dans ses discussions avec sa famille. On sent également qu’il aurait autrefois aimé que ces méthodes lui soient appliquées. " Ça fait vingt ans que j’y pense ", lâche-t-il, plein de sous-entendus. Un ange (Vert) passe.

ENTRETIEN . Laurent Roussey : «La vie de groupe avant tout.»
Par Julien Montaigne pour Amatsport


Première partie Après un début de parcours d’entraîneur souvent perturbé par les dépôts de bilan et autres problèmes internes où Laurent Roussey exerçait son métier, il a décidé, depuis l’été 2002 de se relancer dans le championnat de France. Actuel entraîneur adjoint de Claude Puel au LOSC, nous avons voulu en savoir plus sur ce passionné de football…

Comment le contact avec Claude Puel s’est-il établi ? Comment en êtes-vous arrivé à devenir son adjoint ?

Le contact avec Claude Puel est issu d’une amitié de plus de 20 ans. Nous nous sommes connus en équipe de France cadet. Depuis ce jour, notre relation s’est bonifiée.

Pourquoi avoir choisi la fonction d’entraîneur adjoint au Losc, et pas celle d’entraîneur général dans un autre club ?

La proposition de devenir adjoint de Claude Puel s’est présentée en même temps que l’annonce de cessation de paiement du F.C Sion, club dont j’etais l’entraineur. De ce fait, j’ai accepté la proposition de Claude Puel, accompagné par l’envie de revenir dans le milieu professionnel français.

Quels sont, pour vous, les principes qui caractérisent un entraîneur adjoint ?

L’entraineur adjoint est le relais entre l’entraîneur et le groupe. Il est, en quelque sorte, les yeux du coach, celui qui repère les bonnes ou mauvaises choses au sein du groupe. Il est aussi là pour soutenir l’entraîneur.

Quel type de diplôme avez vous passé pour devenir entraîneur ?

Je suis titulaire du B.E. 2 (Brevet d’Etat 2eme degré), et du DEPF (diplôme d’entraîneur professionnel

Quelle est votre philosophie en tant qu’entraîneur ?

Dans un premier temps, je souhaite developper une idée de jeu, à la manière des l’ecoles auxerroise ou nantaise. Avoir un style de jeu propre à notre équipe, à notre club. Dans un second temps, je donne beaucoup d’importance à la vie de groupe. Chacun des joueurs doit s’épanouïr au sein de l’équipe dont il fait partie.
Le coté football et humain doit être mis en corrélation, pour la réussite de l’équipe.

Est-ce que des barrières comme la langue ou les origines sociales de certains joueurs vous retardent dans votre travail ?

Non, dans le milieu du football, le langage est universel, et les différences sociales sont quasi inexistantes.

Quel sens le mot victoire apporte à votre méthode de travail ?

La victoire est une finalité. Elle est obtenue par un contenu, un travail.
Elle doit aussi donner l’envie de continuer à progresser. On peut toujours améliorer les choses.

… et pour le mot défaite ?

La défaite engendre une remise en cause et une analyse. Elle remet en cause le contenu, et le travail effectué qui a mené à cette défaite. Il faut donc se mobiliser encore plus pour trouver les causes, et y remédier par la suite.

Aujourd’hui vous poursuivez votre fonction d’entraîneur adjoint, quels sont vos objectifs personnels à long terme ?

J’aimerais finir mon contrat de 3 ans, qui me lie au Losc en tant qu’entraîneur adjoint.
Mais mon objectif à long terme serait de prendre en main une équipe de haut niveau en tant qu’entraîneur général.