Le stade Geoffroy Guichard et ses publics
Merci au remarquable site Poteaux Carrés

Vendredi 23 novembre  2007

Ce texte de l'urbaniste Jean-Michel Roux est issu d'un travail de recherche associant le laboratoire Territoire (Université de Grenoble, http://iga.ujf-grenoble.fr/territoires ) et la Ville de Saint-Etienne (services des Archives municipales et de "Ville d'Art et d'Histoire", http://archives.saint-etienne.fr/site/index ).
Le travail d'enquête a été réalisé principalement durant la saison 2005-2006, sous la direction de Jean-Michel Roux, urbaniste, et avec la collaboration de Catherine Aventin, architecte et Mathieu Bonnand, sociologue.

Le club de football de l’AS Saint-Étienne a la réputation de bénéficier dans son Stade Geoffroy-Guichard d’une des meilleures ambiances de France. Mais qu’est-ce qui définit une ambiance ? Comment advient-elle ? Comment la recueillir ? comment l'analyser ? Il est possible d’aborder la question des ambiances d’un lieu (une place, une gare comme un stade) au croisement de trois dimensions : la dimension spatiale, la dimension sociale et enfin la dimension sensible, ce que nos sens nous en disent (1).

L’ambiance d’un stade dépend ainsi de son architecture c’est-à-dire de sa position dans la ville ou un quartier, de sa configuration (taille, forme) et de son organisation interne. Le stade Geoffroy-Guichard est un stade « à l’anglaise » qui rapproche les tribunes – et donc les spectateurs - de la pelouse. Ses toitures qui plongent sur les gradins contribuent aussi à faire caisse de résonance, ce que ne manque pas de remarquer le fan de l’Olympique Lyonnais :

«Tu chantes et ça résonne, c’est un plaisir qu’on a pas à Gerland, c’est un stade trop ouvert qui fait que le bruit se perd. Geoffroy-Guichard c’est fermé derrière : le son dès qu’on est beaucoup à chanter, le son ça résonne, et ça donne envie de chanter plus fort ».

L’ambiance d’un stade est aussi affaire de dimension sociale (CSP, origines géographiques, sociales, culturelles, âge, etc.). Le stade Geoffroy-Guichard n’a pas la même ambiance pour un match de l’ASSE ou pour un match de l’équipe de France par exemple car ce ne sont pas les mêmes personnes qui s’y rendent.

L’ambiance est enfin affaire de dimension sensible. Aller au stade et assister à un match de football, c'est faire une expérience sensible. Nos cinq sens sont convoqués. Des gens chantent ou sifflent, cherchent à voir ou à être vu, mangent des sandwichs ou des petits fours, hument l'odeur d'herbe mouillée ou l'aftershave du voisin, se prennent par les bras ou font la ola. Cette expérience sera qualitativement différente selon de nombreux paramètres (qualité du spectacle, conditions météorologiques, emplacement dans les tribunes, etc.). Nous nous intéressons ici à l'un d'eux en faisant l'hypothèse que l'expérience sensible dépend aussi de la typologie des publics du match. Une personne peut être, selon les types, spectateur, supporteur ou fan. Le premier n’est pas partie prenante du match, il vient pour assister à un spectacle. Le supporter vient assister à un match mais il soutient l’un des protagonistes. Il est déjà partie prenante du spectacle. Les fans sont, quant à eux, des supporters engagés et militants. Comme l’étymologie de son nom l’indique c’est un « fanatique ». Il s’inscrit parfois dans un groupe pour retrouver des personnes partageant sa passion. A Saint-Étienne, ces fans s’appellent ultras (ceux qui vont au-delà du soutien classique) ou « membres associés », ceux qui sont associés à la gestion du club.

De cette première hypothèse en découle une deuxième. Les sens ne sont pas pareillement sollicités selon qu’un individu est spectateur, supporteur ou fan. La nature, l’intensité, la qualité des stimuli sensoriels seront d’autant plus forts que nous tendons vers l’implication de l’individu dans le match. Pour répondre à ces questions, une enquête a été réalisée dans et autour du stade Geoffroy-Guichard tout au long de la saison 2005-2006 (2). Trois types de méthodes ont été mises en place : des observations situées, des questionnaires et des « récits de vie » (3). Voici ce qui en ressort.

Le spectateur ou « la télé mais en mieux »

Le spectateur constitue ce que nous appelons classiquement le public. En principe plutôt sympathisant de la cause, il n’en demeure pas moins que sa posture se résume comme suit : « c’est la télé mais en mieux ». Cette attitude passive lui fait donc vivre une expérience sensible de faible intensité et qualité. Son principal souci est de bien voir. Il recherche donc les tribunes latérales supérieures ce qui l’éloigne de fait des tribunes où se massent supporteurs et fans. Cette qualité de vision n’est pourtant pas aussi riche que cela car il regarde sans être vu et encore plus sans chercher à être vu. Jusqu’au costume, il va se faire discret. Il prend des photos du match sans jamais être lui-même l’objet de la photo. En matière d’ouïe, l’expérience est tout aussi passive. Certes il vient pour écouter les « chants de Geoffroy-Guichard » mais il n’y participe pas. Il ne devient actif qu’à de brefs moments : sur un but marqué ou pour siffler les acteurs d’un mauvais spectacle. Il peut parfois même avoir les oreilles qui sifflent lorsqu’il doit subir les « le stade avec nous ! » venus des kops…

L’odorat et le toucher sont peu sollicités car le spectateur est loin de tout. Il ne peut sentir ni l’herbe mouillée ni son voisin qui est mis à distance par l’espacement et la forme des sièges baquet. Il cherche d’ailleurs cette distance et le confort du corps. Il reste assis sauf à de rares moments comme sur les buts ou les furtives envolées des olas des grands soirs. Le goût est peut-être sollicité avec plus de finesse. Les loges proposent ainsi de suivre le spectacle en dégustant des petits fours accompagnés de champagne, de whisky ou des meilleures vins. Certains regrettent pourtant cette expérience comme cette dame, invitée régulière des loges :

« c’est drôle, parce que tout à l’heure, quand on est arrivé en voiture, vers le parking le plus rapproché du stade, il y avait les supporters qui arrivaient à pied et ceux qui faisaient la queue pour acheter leurs merguez et les hot-dogs. J’ai dis à P.-A. : “j’ai envie d’un hot-dog avec un demi, j’ai pas du tout envie d’aller manger leurs petits machins sophistiqués dans les loges, un hot dog et un demi c’est ça qui me ferait envie…!”».

En fait, le spectateur paie non seulement pour assister à un match mais surtout pour avoir le sentiment excitant d’être de la fête, pour se rendre compte de visu si « Geoffroy-Guichard » est vraiment à la hauteur de sa réputation en terme d’ambiance. Il vient non seulement pour le match mais surtout parce que, comme le dit la chanson, Saint-Étienne a « un bon public et les meilleurs supporteurs »…

Le supporteur ou « c’est mon avis et je le partage »

Le supporteur fait une expérience personnelle en venant assister à un match de son équipe. Il a une attente émotionnelle forte par rapport au résultat et à la manière qui fait que son attitude varie en fonction de l’issue du combat sur le terrain. L’expérience sera quoiqu’il arrive relativement sensible.

Le spectateur est là pour regarder le match, bien entendu… mais tout en cherchant à être vu en tant qu’individu. Il se trouve également dans toutes les tribunes et se remarque à son accoutrement. Il marque visuellement son soutien aux Verts par le port d’un signe distinctif : maillot (floqué à son nom dans le meilleur des cas), perruque, écharpe, casquette, drapeau, le souvent acheté à la boutique officielle.

En terme d’ouïe, le stimuli fonctionne dans les deux sens. Il écoute à la fois les fans chanter et reprend à l’occasion les chants avec eux :

« Je pousse si je suis dans les kops, surtout au début, pour « chauffer » l’équipe… et vers la fin, quand il y a besoin de la soutenir ».

Il donne même volontiers de la voix quand l’équipe gagne, avec une préférence pour les chants qui « pérorent » comme le :

« Nous serons champions de France car nous sommes stéphanois ! » ou le « qui c’est les meilleurs évidemment c’est les Verts, on a un bon public et les meilleurs supporteurs, on va gagner, ça c’est juré, allez (bis), allez les Verts ».

Il « chambre » ou siffle aussi quand l’équipe perd, n’hésitant pas à donner son avis à voix haute sur les prestations de tel ou tel joueur ou sur les choix de l’entraîneur…

Le toucher fonctionne aussi selon les matchs. Généralement limité dans les jours de défaite ou les tribunes assises, l’intensité peut augmenter ponctuellement, l’euphorie le gagnant. Il se lève alors fréquemment sur les actions, agite écharpes et drapeaux, se surprend même à tenir son voisin par les épaules pour sauter sur place…

L’odorat et le goût sont plus fréquemment et intensément sollicités chez le supporteur que chez le spectateur. Même si des supporteurs se trouvent dans les loges, pour beaucoup, le match est plutôt affaire de sandwich confectionné à la maison ou de kebab acheté autour du stade et que l’on mange autour du coffre de la voiture ou dans les tribunes. Bière, pastis et vin remplacent le champagne et le whisky. La proximité avec le match et les fans permet d’étendre la gamme des odeurs. Le « fumi » des kops ou l’odeur de son voisin deviennent perceptibles.

Les fans ou « unis sous les mêmes couleurs »

Pour les fans, qu’ils soient ultras, associés ou indépendants, le match est un combat qu’il faut gagner, aux côtés des joueurs et quelque en soit la manière. Les fans ne sont pas au spectacle, ils sont partie prenante d’un match et ont conscience de l’importance du rôle qu’ils y tiennent. Les tribunes derrière les cages, avec les deux kops, sont leurs points de ralliement. Être un supporteur engagé de Saint-Étienne c’est faire immanquablement du match une expérience très sensible et collective. On n’est jamais fan tout seul comme le dit le chant : « unis sous les mêmes couleurs, nous on chante tous en chœur ».

En terme de vision, l’expérience est intense même si elle peut paraître a priori insatisfaisante. En effet, les fans se placent dans les tribunes les moins intéressantes en terme de champ de vision (perspectives écrasées, gêne occasionnée par les poteaux soutenant les toits ou par les grillages protégeant la pelouse, gêne due à la station debout et à la proximité des voisins, etc.). Les fans sont à la fois spectateur du match mais aussi objet de tous les regards car ils sont les facteurs d’ambiance, comme le dit ce spectateur :

« Des fois je regarde plus les supporters que le jeu, je les trouve tellement plus vivants que les joueurs parfois ! ».

Ils font masse et savent parfaitement jouer de cela. Ils recherchent l’effet visuel produit par l’organisation de tifos à partir de feuilles de papier, de drapeaux, d’écharpes, de fumigènes ou par la pose de bâches, de banderoles, de voiles.

L’ouïe est aussi fortement sollicitée. La réputation des fans stéphanois est basée sur le chant (volume sonore, diversité des chansons, durée tout au long du match). Les chants sont lancés de manière méthodique et au porte-voix par un chef d’orchestre qui s’appelle le capo. Ils sont alors repris par toute une tribune : les fans chantent, frappent des mains, tapent sur des tambours. A certains moments, le public se joint aux chants, les amplifiant considérablement. Parfois même, une forme de dialogue s’instaure entre les deux tribunes populaires qui se répondent. Le répertoire est complet même s’il se caractérise à Saint-Étienne par des chants d’union :

« Dans tous les stades on chantera, le chant des Stéphanois. Unis sous les mêmes couleurs, nous on chante tous en chœur »,

d’identification :

« Magic depuis 91, ultra on est toujours resté, et pour montrer notre fierté, partout nous sommes allés, et pour montrer notre fierté, partout nous avons chanté »

ou de fidélité :

« Et s’il ne reste plus que toi, et que tu aies encore la foi, n’oublie jamais de chanter, pour tes couleurs et ta fierté, Saint-Étienne allez (ter), allez (ter), allez (ter) » (4).

L’odorat et le goût sont des sens qui sont sollicités jusqu’à l’extrême. La proximité physique de l’autre, dans des tribunes debout ou aux sièges étroits, permet de sentir son voisin (sa cigarette, sa transpiration ou sa mauvaise haleine…). Proche de la pelouse, il est possible d’humer l’herbe mouillée et de s’intoxiquer avec les fumigènes des ultras ou les gaz lacrymogènes des CRS… Quant au goût, il est lui aussi exacerbé. L’enivrement peut guetter le fan enthousiaste… tout comme l’intoxication le fan peu précautionneux sur la qualité des kebabs…

Être au stade c’est bouger, c’est se mettre en mouvement collectivement dans une gestuelle complexe : s’asseoir et se relever, sauter sur place en se tenant par les épaules, parfois même en tournant le dos au terrain, dévaler les marches, escalader, se tenir debout ou assis sur les grillages, envahir la pelouse, se lancer dans un pogo, etc. Attraper les épaules de son voisin et sauter même si on ne se connaît pas, taper dans les mains de son voisin ou s'embrasser sur un but : c'est de cette proximité physique que provient le sentiment d'union.Le but de cette gestuelle est aussi de faire masse, d’animer le stade et d’impressionner les visiteurs. Le terme de « chaos » revient souvent dans le discours des ultras, il s’agit d’impressionner en transformant la tribune en un déchaînement de gestes, de fumées, de couleurs :

« Quand on arrive dans le stade on est des fous furieux, on chante toute la soirée et on vous met le feu »…

Le visiteur ou « un déplacement qui vaut le détour »

Pour le visiteur, qu’il soit spectateur, supporteur ou fan d’une autre équipe, la visite du stade Geoffroy-Guichard vaut le détour :

« Saint-Étienne ça a gardé son côté emblématique. C’est vraiment intéressant »…

La maîtrise de la gestion complexe des tifos et de la gestuelle ultra en font un des publics les plus admirés de France. Selon le mode d’obtention des places (par des connaissances locales, le club ou le marché noir), le visiteur se retrouve dans toutes les tribunes avec une prédilection pour le « bloc 30 », la tribune réservée aux visiteurs. Comme pour les locaux, leur expérience varie selon leur posture par rapport à l’événement. Nous nous limiterons cependant ici aux fans dont l’expérience est éminemment sensible.

Visuellement, il s’agit bien entendu de voir le match mais aussi et surtout de voir le fameux public stéphanois. Le moment du déploiement du ou des tifos est particulièrement attendu :

« Chez les Verts, c’est clair, c’est leur point fort. Ils arrivent à faire un tifo par mi-temps pratiquement. C’est vrai qu’à ce niveau-là ils sont impressionnants. Je me demande où ils trouvent les budgets, qui finance, je sais pas… Je sais que c’est cher, c’est beau, pas toujours de très bon goût mais c’est beau ».

Si possible le visiteur va chercher à être remarqué à son tour :

« Je me souviens d’un derby, où les Magic Fans avaient fait une pyramide, il y avait dû y avoir des fuites la semaine avant, ce qui fait qu’on était au courant de ce tifo, et donc on avait déjà préparé la réponse. On les a bien laisser faire leur tifo et on a sorti une banderole où était écrit « trente milles lapins cachés derrière une pyramide » ! ».

Si le visiteur ne parvient pas à capter le regard de l’autre collectivement, il va chercher à le faire individuellement en agitant un drapeau, en déployant une banderole, en faisant des signes.

La même expérience se produit avec le son. On vient écouter chanter les Stéphanois :

« C’est une ambiance extraordinaire, ça soutient du début à la fin… On imagine pour un match important ! Le Vélodrome impressionne peut-être plus de part sa configuration, mais pas par les chants… ».

Depuis que les visiteurs sont restreints aux 1 400 places du « bloc 30 », il n’est d’ailleurs plus question de rivaliser vocalement :

« avant on avait toute la moitié droite du kop sud quand on regarde le terrain, je me rappelle que ça faisait un boucan pas possible, et c’était vraiment deux kops qui se répondaient, les Magic Fans et nous, ça se répondait, c’était vraiment ça le derby. Du moment où ils nous ont parqués dans le petit carré près des Magic Fans, le derby pour moi il a perdu ».

Il n’y a plus qu’à attendre le moment propice pour placer un chant, allumer un pétard ou une bombe agricole pendant un moment de silence ou sur un but… Même les temps de silence semble impressionner le visiteur comme les minutes de silence qui seraient remarquablement respectées.

L’expérience gustative est fortement contrainte par les consignes de sécurité. Il n’est possible de rentrer qu’avec de petites bouteilles débouchées et les sandwichs sont parfois l’objet de fouille. Il faut donc souvent manger et boire dans les cars et les voitures. Quant aux odeurs, elles dépendront du nombre de personnes présentes dans le bloc et de la possible mise à distance de l’autre. Les visiteurs reproduisent des postures traditionnelles : ultras groupés et debout en bas des gradins, supporteurs assis par grappes au milieu, spectateurs assis et isolés en haut de la tribune.

Enfin, l’expérience tactile sera limitée par la force des choses et par les forces de l’ordre. Quand le nombre le permet, il est possible de se lancer dans la gestuelle classique des ultras (sauter ensemble, se tenir par les épaules, etc.). En fonction des matchs, il sera possible de trouver le contact avec les Stéphanois : amicalement pour les Bordelais avec qui les échanges sont paisibles ou franchement hostiles avec les Lyonnais ou les Marseillais. Stadiers et CRS chercheront alors à s’inviter dans la danse…

Conclusion : le passage au collectif

L’ambiance d’un match à « Geoffroy-Guichard » nous semble relever au final pour partie de la combinaison de ces types de publics et du passage de l’individu au collectif. Les spectateurs s’additionnent imparfaitement. Leur nombre n’est jamais la garantie d’une bonne ambiance. Ils ne feront jamais corps. Les supporteurs, qui sont avant tout une somme d’individus, parviennent à faire corps dans les moments d’excès sensoriel et à produire un effet multiplicateur. Tout dépend cependant du résultat du match et l’effet peut être aussi bien positif que négatif : c’est la ola ou la bronca. Seuls les fans, qui n’existent qu’en tant que « corps social constitué », garantissent la qualité de l’ambiance. L’effet de leur regroupement n’est alors pas de l’ordre de l’addition mais de la démultiplication…

Jean-Michel Roux*

(1) L’étude de la notion d’ambiance doit beaucoup aux travaux du Cresson (www.cresson.archi.fr), un laboratoire de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble. Cf. sur ce thème : Jean-François Augoyard, « L'environnement sensible et les ambiances architecturales », in L'espace géographique, 1995, n°4, pp. 302-318 ou Pascal Amphoux, Jean-Paul Thibaud et Grégoire Chelkoff (sous la direction de ), Ambiance en débats, Bernin : Editions A la Croisée, 2004.

(2) L’étude a été commandée par la Ville de Saint-Étienne (Archives Municipales et Unité Ville d’Art et d’Histoire). Le travail de terrain a été réalisé avec la collaboration de Catherine Aventin, architecte et docteur en Sciences pour l’Ingénieur (Ecole d’Architecture de Grenoble, laboratoire Cresson) et Mathieu Bonnand, sociologue, étudiant en Master Espace Public à l’Université de Saint-Étienne.

(3) L’observation située consiste à relever au moyen de l’écrit et de la photographie les éléments d’ambiance qui sont variables selon les matchs, la météo, l’heure, les saisons, le dehors ou le dedans du stade ou selon les tribunes (les loges, les kops, les latérales, le « bloc 30 » des visiteurs). Une trentaine de questionnaires ont été distribués aux personnes rencontrées afin de les « situer » selon nos trois postures (spectateur, supporteur ou fan) et les interroger sur leur vécu du match. Lorsque l’occasion se présentait, huit entretiens ont alors été proposés à ces personnes. Ils ont pris la forme de « récits de vie », deux par catégories : spectateurs, supporteurs, fans et visiteurs de l’équipe adverse. Ce sont leur parole que l’on retrouve dans ce texte. Qu’ils en soient sincèrement remerciés.

(4) L’étude fait cependant apparaître un autre modèle de fans stéphanois, peu portés sur la vocalise. Souvent plus âgés que ceux du noyau dur des kops, ils ne chantent pas pour observer un silence religieux que seule la mi-temps vient briser.

*Jean-Michel Roux est urbaniste, enseignant-chercheur à l'Institut d'Urbanisme de Grenoble (Université Pierre Mendès-France, laboratoire Territoire). Couplant agréablement passion et travail, il a participé avec et pour la Ville de St-Etienne (Archives municipales, unité Ville d'Art et d'Histoire) à un contrat de recherche sur le stade Geoffroy-Guichard. Une exposition et une publication en ont débouché (Grégory CHARBONNIER, Jean-Michel ROUX et Cendrine SANQUER, Le stade Geoffroy-Guichard. Un club, un public, Saint-Étienne : Ville de Saint-Étienne, collection Trames urbaines n°5, 2006). Dès qu'il le peut, il utilise dans ses cours l'étude des stades de football comme un outil de compréhension des villes, de leurs habitants, usages, représentations.

Sa carrière d'"arrière droit assez brutal, évoluant en D3, qui sent la bière et l'animal, les tacles et la mauvaise foi" s'est arrêtée brutalement avec son déménagement en Isère. Son palmarès se limite remarquablement à de nombreuses années sans gloire en 3e division de la Loire, une participation miraculeuse (consécutive à une épidémie de grippe), comme 14e homme, à un 1/8e de finale de la Coupe de la Loire avec le FC Héandais et une coupe de l'Université de Trinity College (Dublin, Moyne Utd).