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 Ghislain PRINTANT devient l'adjoint de Jean-Louis GASSET


Source :  Site Poteaux Carrés

Samedi 23 décembre 2017                Ghislain Printant, fan de l'ASSE

L'ASSE se montpelliérise de plus en plus ! Selon la dernière édition du Progrès, Ghislain Printant a signé un contrat d’un an et demi avec l'ASSE hier soir. L'ancien entraîneur de Bastia sera l'adjoint de Jean-Louis Gasset, Julien Sablé restant dans le staff. Par contre Razik Nedder, qui avait été appelé par Julien Sablé , retourne exclusivement auprès des U17 Nationaux.

Communiqué du site officiel

Un accord a été conclu ce samedi entre l’AS Saint-Etienne et Ghislain Printant, lequel vient renforcer, comme entraîneur adjoint, le staff technique du groupe professionnel désormais dirigé par Jean-Louis Gasset.
 
C’est Aimé Jacquet, ancien Vert et ambassadeur à vie de l’ASSE, qui a lancé sa carrière d’éducateur. Ghislain Printant n’a que 28 ans lorsque le sélectionneur champion du monde, alors entraîneur de Montpellier, propose à cet ancien gardien de but, devenu éducateur, d’intégrer l’encadrement technique de l’équipe héraultaise. Jusqu’en 2004, Ghislain Printant occupe plusieurs postes au sein du MHSC : entraîneur adjoint, formateur, responsable des U17 nationaux et de l’équipe réserve. En 2010, il rejoint le SC Bastia où il prend la direction du centre de formation.
 
Nommé entraîneur principal du club corse en novembre 2014, Ghislain Printant réussit l’exploit de sauver de la relégation l’équipe professionnelle, 19e de Ligue 1 à son arrivée, mais aussi de la qualifier pour la finale de la Coupe de la Ligue, perdue contre le Paris-Saint-Germain.
 
En janvier 2017, il est nommé entraîneur adjoint de Jean-Louis Gasset, qui a repris les commandes du MHSC. Le duo se voit confier la mission de maintenir en Ligue 1 Montpellier, 15e du championnat avec un point d’avance sur le premier club relégable. Complémentaires, Jean-Louis Gasset et Ghislain Printant atteignent leur objectif quatre mois plus tard.
 
Apprécié pour ses qualités humaines, son expertise technique et son expérience, Ghislain Printant participera à la reprise de l’entraînement des Verts programmée le samedi 30 décembre prochain.

Son portrait

Ghislain Printant, né le 13 mai 1961 à Montpellier. 

Ghislain Printant commence le football à l'ASPTT Montpellier en 1971 puis rejoint, en 1975, les rangs juniors du Montpellier PSC dont son père est membre du comité directeur. Il quitte le club en 1982 et termine sa très modeste carrière de footballeur, disputée au poste de gardien de but, au sein du club du PI Vendargues, dans la banlieue de Montpellier. En 1984, tout en continuant à jouer en amateur dans le club vendarguois, il retourne au Montpellier PSC pour s'occuper des gardiens de l'école de football. L'année suivante, il dirige également en même temps l'école de football du PI Vendargues, et ce jusqu'en 1989.

En 1989, à 28 ans, il rejoint l'équipe première du Montpellier HSC comme entraîneur des gardiens. Il occupe ce poste jusqu'en 1992 où il rejoint le Marvejols Sports comme entraîneur. Sous ses ordres, l'équipe lozérienne remporte la promotion d'honneur A et remporte la Coupe de Lozère en fin de saison. Après deux ans dans ce club, il revient en 1994 dans le club montpelliérain pour de nouveau s'occuper des gardiens. Entraîneur des moins de 16 ans de 2004 à 2006, il devient ensuite entraîneur de l'équipe réserve en Championnat de France amateur. Il quitte le club en fin de saison 2010 sur une descente de l'équipe réserve en CFA2.

En 2010, il devient directeur de la formation du Sporting Club de Bastia. Il est nommé, en novembre 2014, entraîneur de l'équipe première, en Ligue 1, à la place de Claude Makelele. Son équipe, qui lutte pour son maintien dans l'élite, se qualifie pour la finale de la Coupe de la Ligue. Début mars 2015, il est interdit de conférence de presse par la LFP car il lui manque son diplôme d'entraîneur. Il reçoit ainsi de nombreux soutiens comme celui de l'entraîneur de St-Étienne, Christophe Galtier. Considéré par beaucoup de supporters Corses comme le sauveur depuis qu'il a repris la tête de l'équipe, Ghislain Printant a même été jusqu'à recevoir 5 voix aux élections départementales fin mars 2015. Le 28 janvier 2016, Ghislain Printant est limogé par le SC Bastia, François Ciccolini lui succède sur le banc.

Le 30 janvier 2017, il revient au Montpellier HSC où il est chargé par le président Louis Nicollin de réaliser un état des lieux du club avec Jean-Louis Gasset, à la suite de la mise à l'écart de l'entraîneur Frédéric Hantz. Il devient cependant adjoint de Jean-Louis Gasset après la nomination de ce dernier à la tête de l'équipe pour 2 ans et demi. Après avoir réussi à maintenir le club en Ligue 1, ils quittent tous les deux le club et sont remplacés par Michel Der Zakarian et son adjoint Franck Rizzetto.

Il devient l'entraîneur adjoint de l'AS Saint-Étienne le 23 décembre 2017 pour épauler Jean-Louis Gasset nommé 3 jours plus tôt entraîneur principal en remplacement de Julien Sablé, qui avait lui-même remplacé Oscar Garcia un pois plus tôt.

Interview dans So Foot (avril 2006) : Printant apprécie Gasset

Nommé une nouvelle fois adjoint de Jean-Louis Gasset, Ghislain Printant connaît et apprécie l'actuel entraîneur des Verts depuis très longtemps, comme l'attestent ces extraits d'une interview parue en avril 2006 sur le site de So Foot.

 "A Montpellier, je me suis lié d’amitié avec Jean-Louis Gasset qui, à l’époque, était l’entraîneur de l’équipe réserve. Et Gasset, qui me voyait travailler, m’a dit : "Tu peux pas venir pour les gardiens du centre ? " J’étais passionné, donc sur mes congés, à la reprise du centre, je l’ai fait. Pendant un mois, ça me permettait de vivre comme si je ne faisais que du football. Mais je continuais à travailler à la clinique.

A Montpellier, j'ai été l’adjoint de Jean-Louis, quand Jean-Louis a été remplacé par Michel Mézy et le jour où Jean-Louis est parti, il m’avait dit : "Toi, il faut que tu manges, continue."  Mézy, Nouzaret, Gasset, à Montpelllier, sur le banc, c’était un éternel recommencement !

Quand on était adjoints tous les deux de Mézy, on a partagé pendant des années la même chambre. Jean-Louis, c’est un passionné, un connaisseur, il respire le football. Et puis il est d’agréable compagnie, c’est un bon vivant. Passer une soirée avec Jean-Louis, ce sont des bons moments. Ce garçon a un charisme et un humour extraordinaire, il gagne à être connu. Sur le terrain, il est capable d’enjoliver un exercice, d’amener une pointe de fraîcheur sudiste, je dirais. C’est un chambreur. Nous, les sudistes, de façon générale, on est chambreurs. En Corse, ils appellent ça la " magagne ".

Même quand j'étais à la tête de Bastia, j'appelais Jean-Louis. Sur les conseils qu’il a pu me donner, sur tous les messages qu’il me transmet, je sens de la sincérité. Je pense qu’il était heureux pour moi, comme moi je suis fier de l’avoir accompagné et de voir tout ce qu’il entreprend. Je veux pas être prétentieux, mais je crois que les gens avec qui j’ai travaillé, que ce soit Michel Mézy, Henryk Kasperczak, Aimé Jacquet ou Jean-Louis Gasset, ils ont vu qu’il y avait un travailleur à côté d’eux, un passionné comme eux et surtout, quelqu’un de fidèle, loyal. Il y a toujours quelque chose à apprendre de ces gens-là. Moi, je suis une éponge. Avec eux, je parlerais football du lever au coucher. Ces échanges sont vachement importants, constructifs."

La réaction de Robert Nouzaret

Robert Nouzaret nous a livré ses impressions après avoir appris la nomination de Ghislain Printant au poste d'entraîneur adjoint de Jean-Louis Gasset.

 "J'ai côtoyé Ghislain Printant à Montpellier même si je n'ai pas été amené à collaborer avec lui comme j'ai pu le faire avec Jean-Louis Gasset. Tous les deux se connaissent bien, ils veulent constituer un duo de confiance pour ne pas perdre de temps et essayer de réaliser le même coup qu'ils ont réalisé la saison passée à Montpellier. Ce binôme est une assurance tout risque. Ghislain est un gars qui à mon avis n'était pas fait pour ça, mais la situation de Bastia l'a obligé à prendre des responsabilités de professionnel. Il ne s'en est pas trop mal tiré, et maintenant je pense qu'il est beaucoup plus motivé pour s'occuper des pros que du centre de formation. Si Jean-Louis le prend, c'est qu'il a confiance en lui et qu'il est compétent, y'a aucun souci. Je pense qu'ils vont réussir leur mission et que l'ASSE va se maintenir. Il faudra l'appui du public, Saint-Etienne aura besoin des supporters pour gagner des matches. Il faut que le public fasse abstraction de tous ses états d'âme. Il n'y a qu'une chose qui compte, c'est sauver le club, ne pas descendre.

 Jean-Louis et Ghislain sont deux gars compétents et surtout très travailleurs, ils correspondent bien à le mentalité stéphanoise donc il ne devrait pas y avoir de problème. Julien Sablé avait été nommé entraîneur numéro un du fait de son passé de Stéphanois mais c'était peut-être un peu trop tôt. Initialement je pensais que c'était un bon choix car je pensais que sa motivation et son expérience du milieu stéphanois allaient lui permettre de mettre les joueurs vers lui. Peut-être que les joueurs ont eu des doutes sur lui du fait de son inexpérience et n'ont pas joué tout à fait le jeu. Là ils vont avoir à faire à deux hommes expérimentés, ça va être beaucoup plus efficace pour la suite du championnat. Julien va apprendre à leurs côtés et cette expérience pourrait lui servir plus tard. Parce qu'on ne sait pas si Jean-Louis Gasset sera encore l'entraîneur stéphanois la saison prochaine. Même s'il aura encore une année de contrat, il quittera très probablement le club si Laurent Blanc retrouve un poste l'été prochain. Je pense que les dirigeants stéphanois sont au courant."

Sa relation avec Jean-Louis Gasset

Le 19 février dernier, juste avant d'affronter... les Verts, Ghislain Printant avait parlé de sa relation avec Jean-Louis Gasset dans Le Midi Libre. Extraits. 

"Alors que j'étais à l'Allianz Arena avec mon fils pour assister à Nice-Guingamp, j'ai reçu un appel de Jean-Louis qui m'a proposé de l'accompagner au MHSC. Il ne m'a pas fallu longtemps pour accepter. Retrouver les terrains constituait déjà une telle bouffée d'oxygène pour moi... Mais le faire chez moi, à Montpellier et avec un ami de trente ans, comment aurais-je pu refuser ?
 

Si j'ai été supris ? Plus que ça, interloqué ! J'étais allé voir Jean-Louis trois jours auparavant car après le drame qui venait de le frapper [ndp2 : décès de sa femme], il avait besoin de soutien. Nous avons parlé de son épouse, de ses enfants, de la vie, de football aussi, mais jamais du MHSC. J'étais d'ailleurs à mille lieues de penser que la situation allait bouger aussi vite à Montpellier.

Nous avons partagé tellement de choses. Cela a commencé dans les années 80 où je faisais la préparation des gardiens quand Jean-Louis entraînait la réserve du MHSC. Nous avons ensuite été adjoints ensemble. Nous avons la même philosophie du football, ce besoin de faire progresser et de transmettre. En plus, nous parlons le même langage. Au quotidien, cela profite d'ailleurs au groupe.

Contrairement à ce que l'on pense parfois, lorsque intervient un changement d'entraîneur, les joueurs prennent un coup sur la tête car ils savent que la responsabilité leur incombe. Nous avons dans un premier temps échangé pour essayer de ramener de la confiance. Le groupe était traumatisé car il n'avait pas gagné de match en 2017. Nous avons donc fixé des objectifs à courte échéance, sans trop se projeter."

Cela s'est traduit comment ? D'abord, gagner le premier match de l'année. Ce fut difficile, mais on y est parvenu. Ensuite, on a dit aux joueurs qu'ils avaient tendu la joue à Monaco, au match aller et qu'il était interdit de tendre l'autre. Nous avons perdu, mais l'équipe s'est parfaitement rebellée en deuxième mi-temps. Enfin, l'idée était de savoir comment gagner à l'extérieur. Et là encore, le groupe a apporté une véritable réponse, en réussissant un match très prometteur à Nancy.

Il y a eu quelques réunions avec les joueurs. D'abord collectivement, puis individuellement. Nous voulions faire entendre aux joueurs que nous pouvions les aider, mais qu'ils restaient les acteurs principaux de tout ça. Et là, la personnalité de Jean-Louis a beaucoup compté. Il a su trouver les mots, mais surtout, son statut d'ancien coach du PSG lui a permis de capter totalement l'attention du groupe. Il a imposé un respect aux joueurs. Cela se voit dans leurs yeux."

 Comme le rappelle l'Equipe, le tandem Gasset-Printant a réussi sa mission maintien à Montpellier, malgré un bilan médiocre : 5 victoires, 1 nul, 10 défaites.

Ghislain Printant n'avait pas prévu de devenir coach de L1 (So Foot 22 avril 2016)

Un an après la montée des Bastiais au Stade de France pour la finale de la Coupe de la Ligue, on a été prendre des nouvelles de Ghislain Printant. Un homme quelque part entre Montpellier et Bastia, les vignes et la famille Nicollin, mais surtout un amoureux du football.
Dans la deuxième partie de l'entretien, l'ancien coach des Corses revient sur son long exil au Sporting, les problématiques de la formation et des entourages.

1ère partie
Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?

Je suis déçu et frustré de ne pas avoir pu aller au bout de mon projet. On sait quand on endosse cet habit d’entraîneur que ça peut s’arrêter à tout moment, qu’on est à la merci des résultats, surtout avec une équipe qui joue le maintien. Mais mon éviction a été une surprise parce qu’il y avait une marge, j’étais dans le coup pour atteindre l’objectif. On l’a justifiée en me disant qu’il était important d’apporter un nouveau discours, mais je pense que les joueurs étaient concernés. Je n’ai jamais senti le groupe lâcher ou me lâcher.

C’est finalement votre adjoint qui a rempli l’objectif…
Oui, ils ont voulu un souffle nouveau en prenant l’option du nouveau dans la continuité... C’est très douloureux quand on y met tout son cœur et l’investissement, mais no comment sur la forme de la rupture. Je ne suis pas rancunier, mais j’ai des regrets. J’ai fait en sorte de ne pas trop écouter ou lire ce qui a pu se dire, pour tourner la page et digérer. L’autre chose - régulariser ma situation - est en négociation. On veut éviter un combat juridique. Tout va dépendre du comportement du club. Il me restait un an et demi de contrat, je suis en attente d’une proposition. Pour l’instant, je suis toujours salarié du club, donc je reste à Bastia, je suis tenu d’être là tant qu’on ne s’est pas entendu sur le solde de tout compte.

Comment espérez-vous rebondir ?
Je n’avais pas prévu de devenir coach de L1, ni que ça se finisse comme ça. Là, je vais attendre un nouveau projet sportif, je suis en train de finaliser mon diplôme. Pour l’instant, je ne souhaite pas rebondir à la formation, après tout dépend de l’offre et de la demande. Adjoint ? Tout dépend de la personne, du club, du projet. Pour l’heure, j’ai envie d’être près des miens.

À Montpellier, donc. L’ironie du sort c’est que Frédéric Hantz, qui était le coach de Bastia en National quand vous signez à la formation, en 2010, est aujourd’hui le coach de Montpellier, votre club de cœur.
Oui, ce sont des destins croisés… Je suis content pour lui, qu’il ait pu rebondir. Il travaille, a des qualités, et je ne suis pas surpris de ce qu’il fait à Montpellier.

Votre famille est montpelliéraine pur jus ?
Oui. On habitait un village à dix kilomètres de Montpellier, Fabrègues, et où on a toujours la maison de nos parents. Mon père a eu de multiples activités pour finir aide-soignant dans une clinique spécialisée dans le rein artificiel, les dialyses, etc. Il avait également quelques vignes, trois hectares, donc, dans ma jeunesse, on a connu les vendanges. Il ne vivait pas de ça, mais ça l’occupait. Et nous, les enfants, aussi !

Des bons souvenirs ?
Ma mère nous élevait, et c’était elle «la meneuse de col» . Elle était là au ramassage des raisins, et je peux vous dire qu’elle était très performante et qu’elle nous faisait tirer la langue. C’étaient des vendanges très familiales. Il y avait des amis de mes frères, et mes copains du foot qui venaient avec grand plaisir, pour se faire quatre sous. Tous les midis, on se retrouvait autour d’une grande table. Ma mère, le soir, préparait les repas pour le lendemain midi pour qu’on puisse tous manger à table. Elle faisait à merveille la paëlla.

Le vin, c’était pour la consommation familiale ?
Mes parents n’étaient pas consommateurs, mais on en gardait histoire d’avoir un peu de vin quand on avait des invités. Mais ça permettait surtout d’avoir un revenu complémentaire.

Depuis cette époque, la cote des vins de l’Hérault a explosé…
Ça n’a plus rien à voir, oui. Le paysage aussi a changé. Quand je retourne sur Fabrègues et aux alentours, que je vois toutes ces vignes qui ont été arrachées… Maintenant, il y a des constructions, des lotissements à droite, à gauche. Tous les petits villages arrivent pratiquement à se rejoindre. Ça fait quand même quelque chose. Après, il faut vivre avec son époque. Mais au début, c’était assez choquant.

Puisqu’on parle gastronomie, à Montpellier, votre mère beurrait les sandwichs avec Mme Nicollin…
Tout à fait, ma mère a partagé des moments fabuleux avec Colette Nicollin, derrière la buvette. Je jouais en cadet. On a vécu des choses extraordinaires, on a grandi avec ce club. On l’a bien connue, la famille Nicollin, mes parents ont même fait des réveillons avec elle…

Le foot occupe beaucoup de place dans votre enfance ?
Mon père a été, dans sa jeunesse, joueur, dirigeant de club et même arbitre. Ensuite, il est entré au comité directeur du district de l’Hérault, à l’époque où Nicollin a pris La Paillade, et il était responsable des arbitres : il les réceptionnait, allait les chercher les jours de match, les amenait au stade, les emmenait manger le soir, à l’hôtel ou à l’avion après.

Vous êtes vraiment un enfant de la balle…
La maison de mes parents avait une cour et juste un grillage qui la séparait du stade de foot du village. Donc j’avais fait un trou pour aller directement sur le terrain. Le football, on baignait dedans. Ma mère a été obligée de suivre mon père sur les terrains. Le fils aîné aimait le football, mais il n’était pas footballeur, pas doué, mais il aimait voir les matchs. Mon deuxième frère, lui, est actuellement président du district de l’Hérault. Donc quelque part, là-haut, mon père doit être fier. Il a été joueur, il a joué à Montpellier-La Paillade, puis il a été entraîneur, dans des petits villages, à Fabrègues, Clapiers…

Votre père gagne sa vie modestement. Comment est-ce qu’il trouve l’argent pour vous emmener voir la finale de Saint-Étienne en 1976 ?
Moi, j’étais le petit dernier, le petit gâté. J’avais dix ans d’écart avec mes deux frères aînés. Ils travaillaient déjà et c’est eux qui ont payé les billets d’avion et les places au stade. On n'est partis que les trois frères. Je suis né le 12 mai, et la finale, c’était le 13 mai. Trois jours avant, ils m’ont dit que c’était mon cadeau. C’était merveilleux, vraiment quelque chose de fort.

D’où venait cette passion pour les Verts ?
À l’époque, on allait voir Montpellier qui était DH, puis en D3. On les a suivis, on a grandi avec. Mais pour aller voir des matchs de D1, on allait à Nîmes – le club phare de la région à l’époque - et aussi à Marseille, quels que soient les matchs, et a fortiori quand c’était Saint-Étienne. On était ni nîmois, ni marseillais, on avait un penchant pour les Verts. Je ne pouvais pas dévier du football, j’étais dedans ! Je n’étais pas un supporter de Nîmes, mais c’était dur de venir y jouer à l’époque, c’était chaud à Jean-Bouin, hein. Est-ce que j’ai aimé le fait d’être bercé dans ces ambiances-là, ces ambiances sudistes, chaudes ? Toujours est-il qu’à Furiani, je me sentais dans mon élément…

Une bombe agricole, ça n’a jamais fait de mal à personne…
(Il rit) C’est bien, ça crée de l’ambiance.

Vous, quand vous intégrez La Paillade à 14 ans, vous faites partie des bons joueurs départementaux ?
À l’époque, on avait une très très bonne génération à l’ASPTT Montpellier, championne chaque année. Donc beaucoup de joueurs comme moi sont partis à La Paillade, qui était en train de se structurer. À l’école, j’étais un élève classique. Je suis allé jusqu’en première, puis je me suis orienté vers un BEP comptable. Mais bon, entre l’école et le football, je préférais le foot. J’avais quelques qualités et j’ai pu intégrer, jeune, pas mal de sélections : celle du Roussillon, de la Méditerranée… Et c’est là où, je pense, je me suis construit en tant qu’éducateur. Ces stages se déroulaient souvent pendant la première semaine des vacances. Pour la seconde semaine, je refaisais faire les tests et exercices faits en stage aux copains du village qui descendaient sur le terrain. J’avais tout noté, j’avais cette passion, et je me demande encore comment mes potes, en vacances, qui venaient pour jouer, ne me disaient pas : «Mais tu nous fais chier avec tes tests !» Puis, au fur et à mesure, je me suis dit : «Bon, tu as des qualités, mais tu ne pourras pas être professionnel.» Dès mes 18 ans, j’ai d’abord passé mon BNS (Brevet national de secourisme) pour ensuite commencer à passer mes diplômes d’entraîneur.

Vous n’êtes pas très grand et pourtant vous avez opté pour le poste de gardien de but…
Parce que mon frère l’était. Et le premier tournoi que j’ai effectué - en benjamins, je crois - s’était très bien passé dans le but. Et c’est là que les PTT m’ont recruté, d’ailleurs. J’aimais ça, j’aimais l’entraînement des gardiens… Du coup, quand je pars jouer en amateur, d’abord à Vendargues, mon entraîneur, qui connaissait ma passion pour le poste, m’a dit : «Tu veux pas t’occuper de l’école des gardiens ? » J’ai dit oui. Et puis mon frère m’a demandé d’entraîner les gardiens du club de notre village, Fabrègues, qu’il entraînait. La journée, je travaillais dans une clinique, je faisais les impressions, j’apportais le courrier, les prélèvements… Je faisais une heure de plus tous les jours pour avoir mes mercredis après-midi disponibles pour l’école de football.

Comment vous revenez à Montpellier ?
Jacques Bonnet, le directeur du centre de formation à Montpellier, m’avait eu comme joueur en jeune et il a vu le travail que j’avais mis en place à Vendargues. Il est venu me demander : «Tu veux pas venir prendre notre école de gardien de but ?» qu’il me demande. Je lui ai répondu : «D’abord, je vais demander à mon club s’ils sont d’accord.» Mon club, ça les gênait, mais ils ont vu que c’était un gros truc pour moi, donc tous les mercredis après-midi, j’allais à Montpellier. Je me suis lié d’amitié avec Jean-Louis Gasset qui, à l’époque, était l’entraîneur de l’équipe réserve. Et Gasset, qui me voyait travailler, m’a dit : «Tu peux pas venir pour les gardiens du centre ?» J’étais passionné, donc sur mes congés, à la reprise du centre, je l’ai fait. Pendant un mois, ça me permettait de vivre comme si je ne faisais que du football. Mais je continuais à travailler à la clinique. Et Aimé Jacquet arrive en 89 à Montpellier. C’est la fameuse année où Cantona et Paille signent. Aimé Jacquet demande un adjoint et un adjoint qui pourrait être entraîneur des gardiens de but. Donc je suis convoqué par Michel Mézy, qui me dit : «Est-ce que demain tu peux être disponible ?»

On vous propose de vous asseoir sur le banc d’une D1 alors que vous bossez à plein temps dans une clinique…
J’ai réfléchi trois secondes, et j’ai dit : «Oui» . Je suis reparti et, dans la voiture, je me suis dit : «Là, tu es dans une drôle de merde, parce que maintenant, il faut aller au boulot pour l’annoncer.» Dans une entreprise, vous avez un mois de préavis à donner. Je tournais en rond dans mon bureau, puis je suis allé voir mon directeur : «J’ai la chance de ma vie, je peux réaliser mon rêve. Je sais que je vous dois un mois de préavis. Je sais pas comment on peut s’arranger, mais sachez que demain, je ne serai pas là. Je ne peux pas laisser passer ça.» Et, agréable surprise, il m’a dit : «Tu vas à la compta, ils te soldent ton compte.» Le lendemain, j’étais devenu entraîneur de football à temps plein. J’ai vécu pendant six mois avec Aimé, comme ça, tous les midis ensemble. C’était un passionné de football, un exemple. C’était beau, on échangeait. Moi, j’écoutais, j’apprenais… C’était quelqu’un de merveilleux. Quand on est allé jouer à Évian-Thonon, j’allais en conférence de presse et quelqu’un m’a tapé sur l’épaule… c’était lui. Je suis tombé dans ses bras.

Jacquet se fait virer assez vite, mais vous, hormis une expérience en Lozère pendant deux ans (92-94), vous restez sur le banc de l’élite comme adjoint en charge des gardiens jusqu’en 2004. Vous avez même remplacé Mézy comme coach principal avec Baills et Bernardet…
Le président nous a demandé, comme ça, de prendre le relais. Ça s’est passé rapidement, ça a été difficile. On avait une mission… Avant cela, j’avais été l’adjoint de Jean-Louis (Gasset), quand Jean-Louis a été remplacé par Michel, et le jour où Jean-Louis est parti, il m’avait dit : «Toi, il faut que tu manges, continue.» Mézy, Nouzaret, Gasset, à Montpelllier, sur le banc, c’était un éternel recommencement !

Jean-Louis Gasset, c’est un proche ?
Quand on était adjoints tous les deux de Mézy, on a partagé pendant des années la même chambre. Jean-Louis, c’est un passionné, un connaisseur, il respire le football. Et puis il est d’agréable compagnie, c’est un bon vivant. Passer une soirée avec Jean-Louis, ce sont des bons moments. Ce garçon a un charisme et un humour extraordinaire, il gagne à être connu. Sur le terrain, il est capable d’enjoliver un exercice, d’amener une pointe de fraîcheur sudiste, je dirais. C’est un chambreur. Nous, les sudistes, de façon générale, on est chambreurs. En Corse, ils appellent ça la «magagne» .

Vous vous appelez avec Gasset ?
Oui, et même quand j’étais à la tête de Bastia. Sur les conseils qu’il a pu me donner, sur tous les messages qu’il me transmet, je sens de la sincérité. Je pense qu’il était heureux pour moi, comme moi je suis fier de l’avoir accompagné et de voir tout ce qu’il entreprend. Je veux pas être prétentieux, mais je crois que les gens avec qui j’ai travaillé, que ce soit Mézy, que ce soit Henryk Kasperczak, Aimé Jacquet ou Gasset, ils ont vu qu’il y avait un travailleur à côté d’eux, un passionné comme eux et surtout, quelqu’un de fidèle, loyal. Il y a toujours quelque chose à apprendre de ces gens-là. Moi, je suis une éponge. Avec eux, je parlerais football du lever au coucher. Ces échanges sont vachement importants, constructifs. Vous vous rendez compte tous les étages par lesquels je suis passé ? J’avais démarré mes diplômes à 18 ans, donc je continuais à passer mes diplômes, parce que je voulais me former.

En 2002, quand vous prenez l’équipe première avec Baills et Bernardet. Qui fait quoi dans ce trio ?
Déjà, on ne s’est jamais posé la question de qui prenait le leadership, c’était un truc de fou ! Après, il en faut bien un qui se détache… Vis-à-vis des médias, c’était Gégé (Bernardet) ou Pascal, parce qu’ils avaient une carrière. Moi, j’avais un rôle que j’aimais : j’étais dans la construction et l’animation des séances. On avait tous notre mot à dire.

Vous étiez en charge de la vidéo, aussi.
C’est là où je rigole quand je vois maintenant les analystes vidéo, avec leur logiciel, les matchs dans le disque, leur montage… Moi, à l’époque, voilà comment je fonctionnais : j’avais pris le magnétoscope du club à la maison, j’enregistrais tous les matchs sur Canal, tous les Jour de Foot aussi, vu que tous les matchs n’étaient pas diffusés, seulement 2 ou 3 le week-end. Quand tu jouais Paris ou Marseille, souvent diffusés, ça allait, mais pour les autres équipes… Bref, je reliais mes deux magnétos, j’avais ma feuille, je notais, je faisais plusieurs montages : animation offensive, défensive, coups de pied arrêtés offensifs, défensifs. Ça prenait un temps fou, alors quand il y avait deux ou trois matchs dans la semaine… Le soir, quand je rentrais, je mangeais, je m’enfermais dans mon bureau, et ma femme disait au fils : «Bof, n’y va pas

En 2004, à Montepellier, vous bifurquez vers la formation, et prenez en main les équipes de jeunes, les U16, puis la CFA en 2006. Jusqu’à ce qu’on vous montre la porte, quand la réserve descend en CFA2, en 2010. Soit l’année du titre en L1, quand Courbis d’abord, puis René Girard ensuite, ont fait monter des jeunes qui doivent vous manquer cruellement en réserve, justement…
Déjà, malheureusement, de bons gamins ayant le potentiel pour la CFA se blessent, comme Rémy Cabella qui s’était fait les croisés et qui a été absent pendant une longue période. Et puis, même s’il ne faut pas se cacher derrière ça, c’est vrai que certains gamins avaient été promus chez les pros, comme Belhanda. Après, c’est le lot d’une réserve, c’est comme ça. On descend parce qu’il nous a manqué deux victoires… Mais bon, on était satisfait de voir les gamins tout là-haut.

Vous en avez voulu au club sur le moment, d’en profiter pour vous sacrifier ?
Non. Le seul regret que j’ai eu, c’est que le club m’a fait une proposition qui était une espèce de voie de garage : on me donnait un titre de directeur de centre, mais en réalité, je ne m’occupais plus de formation, quoi, mais de préformation. Je n’avais pas passé mes diplômes pour ça, donc j’ai dit aux personnes concernées : «Moi, le titre de directeur de centre, je n’en veux pas, je veux travailler à la formation, être sur le terrain.» Qu’on m’enlève la CFA2 et qu’on me donne les 17 ans, les 19 ans, peu importe, mais je voulais rester dans la formation. J’ai fait part de ce souhait et quand il y a eu la présentation de l’organigramme, ils n’en ont pas tenu compte, alors j’ai dit : «Si je ne suis pas à la formation, je m’en vais.» Montpellier pourra toujours dire : «On lui a fait une proposition.» Oui, c’est vrai. Mais bon, je ne l’ai pas acceptée parce qu’elle ne me convenait pas. Je ne pensais pas quitter mon club, mais c’est la vie. Donc oui, ça fait mal, c’était dur à encaisser, parce que je pensais quand même avoir énormément donné au club, avec les pros ou à la formation… Après, je ne suis pas du tout parti fâché pour autant.

Sérieusement ?
(Il coupe) J’étais déçu par le club, pas par les Nicollin. C’est à mon travail que je dois non pas ma réussite, mais mon éclosion au plus haut niveau. Mais je n’oublie pas ce que je dois à la famille Nicollin. C’est elle qui m’a permis d’être ce que je suis aujourd’hui. Parce que, à un moment donné, ils ont cautionné que je puisse travailler, jusqu’à me donner des responsabilités dans une équipe première. Quand on voit financièrement ce que ça peut coûter, m’accorder une grande marque de confiance comme ils ont pu le faire aux différents postes que j’ai pu occuper…. Ça, je ne l’oublierai jamais.

C’est un peu la famille, quoi.
Tout à fait. C’est un club très famille. Alors, après, comme dans toute famille, y a des disputes ou des séparations, c’est comme ça. Mais moi, c’est toujours un plaisir lorsque je les rencontre et je sais - je veux pas employer le terme «ce que je leur dois» parce que je pense que j’ai travaillé pour le mériter -, mais disons ce qu’ils m’ont permis de pouvoir faire. Les fils Nicollin, Laurent et Olivier, j’ai des souvenirs d’eux quand je suis monté avec les pros, et notamment pendant la fameuse épopée européenne (en 91, le MHSC échoue face à Manchester United en quarts de la Coupe des vainqueurs de coupes, nldr), puisque j’étais l’adjoint d’Henryk Kasperczack. Laurent, je crois même qu’à une époque, je devais entraîner les 17 ans de Montpellier quand lui jouait avec les 19 ans. Je l’ai vu prendre toujours plus de responsabilités. Même quand j’étais à Bastia, quand il était dans le dur avec Montpellier, on s’envoyait souvent des textos.

Vous avez bien connu l’époque du duo Frèche-Nicollin…
Bah, ils ont été énormes, tous les deux. Attention au mot énorme, hein. (il rit) Une grande complicité… Nicollin, faut savoir quand même d’où il est parti avec ce club, ce qu’il en a fait. Réussir à rendre ce club champion de France, c’est quand même extraordinaire. Voir toutes les mains qu’il a pu tendre dans sa vie, et encore aujourd’hui tous les anciens joueurs qui sont impliqués au club… C’est bien, ils sont là.

Après tant de temps à Montpellier, par quel truchement vous arrivez à Bastia ?
À Montpellier, j’ai appris très tard que je n’allais pas poursuivre, qu’on ne trouverait pas un terrain d’entente. Pour des questions administratives - et par rapport au chômage, faut pas se cacher -, j’ai fait en sorte d’envoyer des CV aux clubs, mais je savais très bien qu’au mois de juin, tous les clubs avaient tous leurs staffs au complet. Or, Bastia cherchait un directeur de centre. C’est Benoît Tavenot, qui était à l’époque l’entraîneur de la CFA et qui ensuite m’a succédé à la direction de la formation, qui leur a dit qu’il me connaissait.

Propos recueillis par Vincent Riou


2ème partie

Après tant de temps à Montpellier, par quel truchement vous arrivez à Bastia ?
À Montpellier, j’ai appris très tard que je n’allais pas poursuivre, qu’on ne trouverait pas un terrain d’entente. Pour des questions administratives - et par rapport au chômage, faut pas se cacher - j’ai fait en sorte d’envoyer des CV aux clubs, mais je savais très bien qu’au mois de juin, tous les clubs avaient tous leurs staffs au complet. Or, Bastia cherchait un directeur de centre. C’est Benoît Tavenot, qui était à l’époque l’entraîneur de la CFA et qui ensuite m’a succédé à la direction de la formation, qui leur a dit qu’il me connaissait.

Pourquoi Bastia se retrouve sans directeur de centre si tard ?
Parce que le club descendait en National. On s’était même demandé un moment s’il n’irait pas en CFA. Alors, finalement, Frédéric Hantz est devenu entraîneur numéro 1, mais au centre, le directeur était parti. Quand ils m’ont appelé, mon épouse m’a dit : «Écoute, va voir ce que ça donne.» C’est vrai que nous, du continent, l’éloignement, la Méditerranée, ça peut être compliqué. Mais je suis venu et est-ce qu’il y avait un courant qui était passé entre eux et moi ? En tout cas, ils m’ont fait part de leur intérêt pour que je les rejoigne… En repartant, j’ai dit : «Bah écoutez, je vais peser le pour et le contre, en discuter avec ma famille, et lundi, je vous donne une réponse.» C’était le 1er juillet. Le vendredi 2 au soir, mon père décède. Il était déjà malade, on s’y attendait, mais bon, je ne pensais pas que ça allait arriver là… Et je ne me voyais pas quitter ma mère, même mon deuxième frère aîné était là, mais trois ans auparavant, j’avais déjà perdu le premier... Alors le lundi matin, j’ai appelé Bastia et je leur ai dit : «Écoutez, je m’excuse, mais je ne peux pas répondre favorablement à votre offre. Je ne sais pas exactement ce que je veux faire…» Du coup, ça s’est arrêté là, on a enterré mon père, on était auprès de ma mère… Quinze jours ou trois semaines après, je m’en rappellerai toujours, j’étais parti faire un footing, une fin d’après-midi, les écouteurs dans les oreilles, parce que, même si je savais que c’était fini, je vivais toujours avec l’espoir de dire : «Bon, il va sonner ce portable ou il ne va pas sonner ?»

Et c’était Bastia… ?
Oui. «On sentait que le courant passait. Nous, on aimerait que ça soit vous» , m’ont-ils dit. Alors, je leur ai répondu : «Écoutez, si ça ne vous dérange pas, je suis en train de courir, je m’excuse, mais, essayez de me rappeler d’ici trois quarts d’heure, le temps que je rentre à la maison.» En rentrant à la maison, j’ai dit à mon épouse : «Pour Bastia, ils viennent d’appeler…» Elle m’a coupé de suite «Tu y vas ! Tu y vas !» Je pense qu’elle a vu que je commençais déjà à trouver le temps long. Elle est gérante d’une agence d'événementiel sur Montpellier qui s’occupe de grosses boîtes, elle a géré les hôtesses de La Mosson, notamment. Alors je lui ai dit : «Écoute, le football, c’est aléatoire. Là, je ne sais pas où je vais, c’est un club qui a failli mourir, tout ça. Tu ne vas pas lâcher ton boulot, je me déplace seul. Tu restes là.» Mon fils avait 12 ans, il jouait au foot au Montpellier Hérault, et je ne voulais pas non plus le déstabiliser à l’école. C’était précaire, en arrivant ici on m’a dit : «Écoutez coach, on vous propose deux ans de contrat, mais si au bout d’un an, le club n’est pas remonté, on ne pourra pas assumer. Est-ce que vous êtes d’accord, si on n'y arrive pas, qu’on s’entende et qu’on arrête au bout d’un an ?» Bon, je n’avais rien à perdre, j’ai dit : «C’est pas un souci, si ça capote, ça capote.»

C’est donc Frédéric Hantz qui avait votre destin entre les mains ?
En quelque sorte. Moi, ça me faisait quand même quelque chose de laisser mon fils et ma femme, ma mère et mon frère, seul, s’occuper de ma mère. C’était pas évident, mais je me suis mis à fond dans le boulot, et ça m’a fait du bien. J’étais au centre dès 7 heures du matin. Et comme personne ne m’attendait à la maison, je restais, parfois, jusqu’à 22h, je discutais avec les gamins. Chez moi, on a été élevés dans le travail. Mon père m’a toujours dit, lorsqu’on regardait tomber les numéros du loto : «Ça, c’est pas la vérité.» Plus tard, il s’est mis un peu au loto sportif, comme tout le monde, mais il nous a toujours dit : «Vous gagnerez de l’argent en travaillant.» Moi, n’ayant pas eu de carrière professionnelle, il m’a fallu toujours prouver, travailler. Dès la première année, le club a connu l’accession, et au bout de six mois de la deuxième année, avant même la fin de saison, les dirigeants m’ont proposé un poste sur quatre ans, chose qui n’avait jamais été faite ici. J’ai pris ça comme une grande marque de confiance de leur part.

À Bastia, vous aviez fait le choix d’habiter en ville ?
Non, en bord de mer. Et mon seul hobby au Sporting, c’était d’être tout seul, de marcher pendant une grosse heure, avec personne sur la plage, hors saison. Voilà, de temps en temps, j’appelais mon épouse ou mon fils… Je ne dis pas que j’arrivais à occulter le football, parce que des choses me revenaient parfois, mais bon, j’essayais de m’évader un petit peu. Le football me prenait énormément de temps, je suis tellement passionné que j’allais voir jouer les 17 ans Nationaux, les 19 ans Nationaux, la CFA, évidemment, c’est normal.

Votre plan de carrière, c’était quoi quand l’occasion s’est présentée de prendre les rênes de l’équipe première ?
Je n’ai jamais eu l’ambition d’aller là-haut, en toute honnêteté. Je me voyais en bon adjoint, puis j’ai pris l’orientation de la formation, et je suis devenu directeur de centre. Je pensais y faire encore quelques années, puis, pourquoi pas, être en binôme ou adjoint de quelqu’un sur un niveau pro ou sur un projet de National… Puis quand j’ai eu cette opportunité, et que j’ai été prolongé, je me suis dit : «À moi de faire en sorte d’y rester, d’essayer de tracer ma route là-dedans.» Après, quand on voit le nombre d’entraîneurs qui se retrouvent sur le carreau et qui ont une autre carrière que la mienne… Quand j’étais en place, je faisais en sorte de ne pas me focaliser là-dessus, sur mon avenir. Quand j’ai démarré cette mission-là, j’ai dit que «la réussite sera de rester soi-même» . Je pense que la clé est là. Donc j’ai fait en sorte de ne pas changer, parce qu’en tant qu’adjoint, j’ai vu mes entraîneurs en réussite, et je les ai vus en difficulté, et je sais très bien que ça peut basculer.

Être le Gasset d’une grosse pointure, ça pourrait vous plaire ? Vu que c’est ce qui vous plaît le plus d’animer les séances…
Oui, pourquoi pas… La difficulté de ce genre de binômes, c’est qu’il faut trouver vraiment la personne, avoir la même sensibilité footballistique et humaine.

Vous dites qu’à Bastia vous n’avez pas senti le groupe vous lâcher. Vous avez fait l’expérience, en tant qu’adjoint, d’un groupe qui lâche son coach ?
Non, jamais. Je n’ai jamais vu des groupes lâcher. À un moment donné, parfois, il n’y a pas la fusion, ça accroche moins ou ça n’accroche pas et c’est ce qui peut amener à une cassure. Un entraîneur, il faut qu’il reste connecté avec ses joueurs, parce qu’il va exister à travers eux.

Quand vous reprenez le club, Boudebouz, qui était inexistant avec Makelele, retrouve son niveau et dit : «Moi, avec lui, je défends, je me sens bien parce qu’il m’a donné les clés du camion.» . C’est bien qu’il ne donnait pas tout avec votre prédécesseur.
Mais le groupe a été marqué (quand Makelele a été viré, ndlr) parce qu’ils avaient un profond respect à la fois pour l’homme et pour le coach, le joueur, sa carrière. Ça les a meurtris. Moi, j’ai vu, et tous les retours que j’ai pu avoir le prouvent… En revanche, après, il y a des choses qui se passent, il y a un feeling, peut-être, qui se passe. Est-ce qu’un garçon comme Ryad a pris conscience qu’il lui manquait peut-être quelque chose pour franchir un palier ? Alors tout en lui disant : «Je te donne les clés» , je ne l’ai pas lâché. Parce que je savais que, potentiellement, il avait d’énormes qualités à nous apporter. Mais on ne pouvait pas se permettre, nous, dans la situation où on était, d’avoir un joueur qui ne joue que l’aspect offensif. Il fallait qu’on défende à 11. L’ensemble du groupe a compris qu’on allait à la catastrophe si on ne changeait pas d’état d’esprit.

À Bastia, voir votre nom dans le journal, ça vous plaît ?
Je ne vais pas faire l’hypocrite en disant : «Ça ne me fait pas plaisir.» En revanche, je préfère – et là, je suis très sincère – voir des articles sur mon équipe, sur mes joueurs et peut-être qu’à travers ça, on parle de moi…. Voilà. Quel que soit le niveau, comme coach je suis heureux si je donne du bonheur aux autres, mes joueurs, les supporters, les dirigeants. À Bastia, les médias, ça fait partie de la fonction. Mais je ne voulais pas qu’on m’y voit et qu’on dise : «Tiens, il a changé.» Après, pour mes proches, c’était de la fierté, pour mon frère, les amis, mon fils qui jouait en 17 ans nationaux au Montpellier-Hérault… Indirectement, je sais qu’il est fier quand il voit un article de son père. C’est normal, c’est humain. Après, il y a des caméras, des micros de partout, donc on perd un peu de son authenticité, quelque part.

Lors de la dernière finale de la Coupe de la Ligue, vous avez fait preuve de spontanéité et de franchise pour énoncer votre point de vue…
Beh moi, le seul regret que j’ai ce jour-là… (il marque une pause) En matière de communication, je pense que j’ai dit ce que j’avais à dire, absolument aucun regret là-dessus. Mais c’est la manière, le fait que je me sois un peu emporté, alors que je pense que j’aurais pu dire la même chose en étant calme. Peut-être même que ça aurait encore plus porté. Mais il y avait plusieurs paramètres qui ont fait que ça m’a amené, à un moment donné, à ne pas me maîtriser…

Vous avez estimé qu’il était inexcusable de la part de Thiriez de ne pas venir vous serrer la main…
Ah oui. Je ne sais même pas s’il avait peur de se faire siffler (il y avait eu une polémique quand il a refusé de ne pas décréter le 5 mai «journée sans football» , ndlr) ou peur que quelques joueurs du Sporting ne lui serrent la main. Déjà, quand on a peur, c’est qu’on a quelque chose à se reprocher. Jusqu’au bout, ça a été difficile pour moi de dire aux joueurs : «Bon, maintenant, il faut qu’on monte (à la tribune, pour le protocole, ndlr) parce que Paris, ils ont gagné, et nous, on ne doit pas gâcher la fête. Après, on fait ce qu’on veut, mais il faut monter.» Je ne voulais pas me mettre en porte-à-faux vis-à-vis de mon groupe également. Il fallait que je tienne compte de ça. J’étais déçu pour mon président aussi, qui n’a pas pu présenter ses joueurs. Certains, c’est la première et la dernière fois qu’ils seront au Stade de France en finale. J’ai été élevé dans le respect, j’y attache beaucoup d’importance, et là, c’était un grand manque de respect de la part du représentant d’une institution, et je ne pouvais pas ne pas le dire. On ne peut pas aller que dans les bons coups. Il fallait qu’il assume, il fallait qu’il vienne, c’était son rôle.

Vos commentaires sur Thiriez à la fin du match ont sûrement été influencés par la frustration que le match ait été un peu saboté par l’arbitre, qui non seulement siffle un penalty, mais met un rouge à Squillaci. Ça a gâché la fête de tout le monde.
Mon père a été arbitre, donc je connais la difficulté des arbitres. Et souvent, quand j’échange avec les arbitres, je leur dis : «Je connais l’ampleur, hein.» J’étais sur le banc de touche quand mon père arbitrait, j’entendais ce que les gens pouvaient dire. Et c’était pas évident, hein, j’étais jeune. Les erreurs, tout le monde en commet, j’en commets, les arbitres aussi, mes joueurs. Tout le monde. Mais c’est dommage... Après, je l’ai dit plus tard, je regrette aussi que le jour de cette finale, on m’ait posé deux questions, une sur l’arbitre et une sur Thiriez. Moi, je suis un entraîneur de football, je n’aime que parler football.

Il y a un gamin qui est passé chez vous, à Bastia, dont la carrière est assez décevante, c’est Thauvin. Quel regard porte le formateur ?
Flo, on l’a récupéré sur Grenoble et il a de suite intégré le groupe pro. Il a fallu avoir de la patience pour pouvoir l’amener là parce que, comme tous ces jeunes qui goûtent très tôt au pro, ils ont de suite envie d’éclore. Après, il a montré ses qualités, mais je suis très mal placé pour en parler. Tout le monde est donneur de leçons. Mais, de mon point de vue, je pense que ça aurait été bien qu’il reste à Lille. Je ne peux pas parler pour les autres, mais, en tout cas, en tant que formateur, je lui aurais dit : «Fais tes saisons à Lille, essaye d’y franchir un palier supplémentaire pour rebondir sur un meilleur club français ou, si tu casses vraiment la baraque, aller sur l’étranger.» Après, les plans de carrière… Y a beaucoup de gens qui sont autour de ces garçons-là. Personnellement, je n’aurais pas fait comme ça. Parce qu’à Marseille, faut quand même être solide en y allant si tôt. Mais lui, un jeune comme ça, il la voit avec d’autres yeux, cette transaction, c’est compliqué... Est-ce qu’il a été mal conseillé ? Certainement. Autour de lui, des gens peut-être auraient dû lui dire : «Pop, pop, pop, attends. D’abord, on fait peut-être deux ans là et après on voit.»

Quand on est un formateur, quel regard on a sur la réussite d’un joueur ?
Quand on est formateur, notre ambition est de les amener là-haut. Et même quand il réussit, qu’il joue en équipe première, parfois il nous surprend en bien et d’autres fois, on s’aperçoit que, dans tel domaine, ça reste quand même insuffisant. Et donc, il faut être capable de dire : «Putain là, alors avec lui, qu’est-ce que j’ai fait ? Il lui manque peut-être de l’agressivité, peut-être on ne l’a pas assez mis dans le dur… Chaque fois, on l’a surclassé, on l’a peut-être installé dans un confort, c’est pour ça que là, maintenant, il a du mal à réagir.» C’est ce genre de questions que l’on se pose quand on est formateur et qu’on voit le garçon réussir. Mais il est bien évident, à Montpellier, la génération 90, qu’on ne pensait pas avoir autant de professionnels, c’était exceptionnel.

Ça tient à quoi ? Belhanda, c’est vous qui lui apprenez que Girard va le prendre dans le groupe professionnel. Ça vous est arrivé de vous dire : «C’est trop tôt !» ?
Ça peut arriver. Après, c’est pas dit qu’on ait raison, hein, et le gamin, il s’impose. Moi, je sais que j’avais des discussions, souvent, avec le directeur du centre de formation à Montpellier, Serge Delmas. Je lui disais : «Younès Belhanda, il est énorme !» et il me disait : «Mais tu ne le prends jamais !» Pourquoi ? Parce que je ne le sentais pas prêt pour la CFA, j’avais peur… Il était U19, première année, mais je sentais qu’il était capable de s’enflammer vite. Alors, souvent, je prenais Stambouli, Cabella, ou d’autres joueurs avant lui. Avec le recul, je me dis : «T’as peut-être pas eu tort.» Je me rappelle d’un jour, je lui ai dit : «Younès, tu vas venir t’entraîner avec nous.» Le gamin, il me dit : «Je peux vous poser une question ? Pourquoi vous avez pris pratiquement tout le monde, mais jamais moi ?» Je lui ai répondu ce que je viens de vous dire. Je lui ai dit : «Tu sais Younès, peut-être que tu t’es dit "il ne m’aime pas" et d’ailleurs, je vais te dire une chose, c’est pas parce que tu vas venir jouer avec nous qu’il faut que tu t’enflammes, que tu te prennes pour un autre. C’est pas le footballeur qui m’inquiète.»

Quand vous apprenez qu’il part en Ukraine, vous vous dites que vous aviez raison d’avoir des doutes sur l’homme ?
Disons que je ne suis pas trop loin de ce que je pensais. Après, il est monté avec les pros, et il a bien géré… Surtout qu’au départ, René (Girard) l’utilisait milieu excentré à droite. Et lui, il a toujours travaillé comme milieu axial, là où René l’a utilisé ensuite, numéro 10. Je me rappelle quand je descendais après le match, il était assis, me regardait et me disait «Coach, je comprends rien ! Je sais pas quand il faut aller là, là…» Et moi, je lui disais : «Écoute-moi, du moment que tu joues, c’est qu’il estime que tu es important pour lui, donc tu fermes ta gueule, tu ne demandes pas des explications.» Des fois, quand on était en haut avec le directeur de centre, on rigolait parce qu’il n’avait pas les repères. Mais il apportait ce que René attendait dans la récupération du ballon, et après, il avait des qualités pour se projeter… Je lui disais, à Younès : «Le coach est content de toi. Il te fait jouer goal, tu joues goal ! Peu importe, le tout, c’est de jouer.» (Il rit.)

Pour un joueur formé qui a sa chance en première, ça se joue vraiment à rien…
Moi, je leur ai toujours dit : «Vous êtes sur le quai d’une gare, le train va s’arrêter, va ouvrir les portes, et même si c’est pas le bon moment, si vous montez dedans (il tape sur la table), il va falloir confirmer.» Après, on le sait très bien qu’en football, il va falloir de la réussite… Donc si ce jour-là, l’équipe tourne bien et gagne, on va vous voir avec des yeux autres que si elle passe à côté et que vous n’avez pourtant pas été mauvais… Après, il y a des exceptions : je me rappelle un garçon comme Yanga-Mbiwa. Un jour, Rolland Courbis me dit : «J’ai besoin d’un défenseur» et il prend Yanga-Mbiwa pour jouer arrière gauche. Il avait joué à droite, dans l’axe, au milieu. Arrière gauche !... Évidemment, il a manqué le terrain, il avait été catastrophique, quoi... Et ça ne l’a pas empêché après d’être le capitaine champion de France de Montpellier. Dans une génération, on se dit «Allez, si là, il pouvait y avoir deux ou trois pros, ça serait pas mal.» Mais parfois, il y en un qui y arrive qu’on n’attendait pas là, parce que le gars avait un peu de retard, mais il l’a grignoté.

On a quelle satisfaction de voir les gamins éclore au plus haut niveau ?
Un club comme Bastia, par exemple, s’il arrive, chaque année, à avoir un joueur qui sort de sa formation et qui puisse taper - déjà, taper, je parle pas de s’installer - à la porte de l’équipe première, c’est bien. Quand je vois des garçons comme Kamano ou Djiku… Djiku, je l’ai vu à Perpignan, on l’a amené ici, il a franchi palier par palier… Pour un formateur, et même pour un entraîneur, c’est jouissif, mais ces récompenses-là, j’irais jusqu’à dire que c’est rien comparé aux coups au moral qu’on prend avec un garçon à qui on a donné énormément, qui avait du potentiel pour réussir et qui n’y est pas arrivé pour x raisons. Ça peut être une grave blessure… Mais quand vous avez l’impression de tout donner au mec et que par un manque de sérieux, à croire que ça va tomber tout cuit malgré vos mises en garde, celui qui avait certainement plus de qualités qu’un autre ne perce pas… L’autre qui va réussir, on va être content. Mais ça, c’est une grosse frustration pour un formateur.

Chaque gâchis de ce type relativise l’influence que vous pouvez avoir sur une carrière.
Quand vous êtes formateur et que vous les avez pendant deux ans avec vous, voire, certains, trois ans, que vous décelez le potentiel et que vous vous dites : «Putain, mais c’est pas vrai, pourquoi lui, il me fait ça ?» … Avec les jeunes, ça devient de plus en plus difficile. Parce que vous avez déjà la problématique de la gestion familiale. Ils sont vus comme des mines d’or, et quand on voit certaines familles comment elles galèrent, j’irais pas jusqu’à dire qu’elles seraient capables de vendre leur enfant, mais bon… Et là, maintenant, il y a les agents, tous ces gens qui gravitent autour d’eux et qui leur font miroiter des choses qui vont à l’encontre du travail et du discours de formateur. Or les parents écoutent à droite, à gauche, alors qu’avant, ils avaient un interlocuteur : le responsable de la formation. Y avait un échange, on leur expliquait le plan de carrière, nos exigences sur les études, etc.. Il y a quelques années, un garçon était approché par un club, il était heureux. Là, l’agent dit : « Attends, attends, attends, y a Nice qui va nous appeler, y a Marseille, y a Montpellier aussi qui est intéressé…»

Toujours la surenchère.
Oui, alors qu’habiter Cannes et signer à Toulouse, ça peut être bien, ou pas. Y a l’environnement social, familial. En fonction des gamins, s’en éloigner est plus ou moins bon. Cabella, pour lui, c’était extrêmement dur. Il est parti jeune, il lui a fallu une grosse force de caractère. Un jour, je l’avais amené exprès à un match à Ajaccio. Il était première année, il avait des qualités, mais c’était surtout l’occasion pour lui de revoir sa famille. Au retour, je dis au chauffeur : «Attendez parce que j’ai un petit qui est avec la famille.» Il pleurait. Bon, après, au bout de vingt minutes, une demi-heure, j’ai dit : «Allez, on y va, on va à l’aéroport.» Et Rémy, il monte, les yeux rouges. Je lui ai dit : «Viens t’asseoir là, mon petit.»

Ça vous est arrivé d’éconduire un peu méchamment des agents quand vous étiez directeur de centre ?
Il faut que tout le monde travaille, mais y a des fois… J’essayais d’être très vigilant là-dessus. Quand un agent m’appelait, parfois, quand je raccrochais, je regardais mes éducateurs et je leur disais : «Mais il a un agent, lui ? Il n’arrive pas à jouer en 19 ans nationaux chez nous et il a un agent ?» Et le gars qui me dit : «Eh mais je m’occupe, je suis là pour l’aider…» Oui, oui, c’est ça.

Du coup, vous avez une discussion avec le joueur ?
Oui, et vous êtes obligé de mettre les formes, en lui disant : «Écoute, t’es pas titulaire chez nous, qu’est-ce que tu te prends un agent ?» Après, les parents, ils vont dire : «Non, mais vous vous mêlez de quoi, Monsieur ? Parce que vous lui faites pas confiance ?» Alors donc, le message, c’est : «À votre âge, où vous êtes, pour l’instant, vous n’en avez pas besoin. Le jour où vous allez signer pro, prenez un agent. Le jour où peut-être, vers la fin de votre contrat stagiaire, vous ne signez pas, là, vous prenez quelqu’un qui puisse vous aiguiller. Nous, déjà, on va faire en sorte d’essayer de vous aiguiller à droite, à gauche.» Si tu finis stagiaire, ça veut dire que tu joues en CFA 2 chez nous. Donc nous, on va téléphoner à des clubs de CFA, à un club de National, selon ses qualités, pour l’aider. Mais lui, son agent va lui dire - et c’est ce qu’il se passe hein, c’est la réalité - : «Laisse-moi faire, je vais te trouver une Ligue 2, je vais te trouver une Ligue 1…» Mais comment ? Quel club va prendre le gamin ? Il y en a un sur mille ! Un sur mille ! «Mais va dans un bon club de CFA, avec un bon projet, ou un bon club de National, et peut-être que tu vas rebondir. La difficulté que tu as connue chez nous va te permettre, deux ans après, de casser la baraque et là, d’aller signer un contrat pro dans un club de Ligue 2.» Mais ça, ils ne veulent pas l’entendre, les parents ne veulent pas l’entendre, l’entourage ne veut pas l’entendre. «Mais tu ne joues pas ! Tu n’étais pas titulaire en CFA 2 chez nous, tu veux jouer en Ligue 2 ? Mais quel club va te prendre ?» On passe pour des fous ! On est des briseurs de carrière. Mais ce n’est pas le cas, hein. À un moment donné, comme je leur dis : «Vous n’avez pas réussi, on a notre part de responsabilités, vous avez la vôtre. Voilà, c’est comme ça.»

On attend avec impatience le jour où votre fils vous dira : «Papa, je te présente mon agent.»
Non, mon fils, il dit : «Mon agent, c’est mon père !» (Rires) Il le sait. D’ailleurs, moi, je l’aiguille et je lui dis : «Pour l’instant, si on s’approche de toi, t’en as pas besoin, tu es à Montpellier.»

Quand vous êtes allé coacher à Geoffrey-Guichard, là où vous alliez parfois en famille, ça vous a fait quoi ?
J’ai beaucoup pensé à mes parents. Deux jours avant, je leur ai adressé un message, en disant : «Vous serez peut-être fier de moi. Et quand je lèverai les yeux, je vous verrai.» Ce sont eux qui m’ont donné l’envie, la passion du football et ils ont réussi à nous faire vivre, nous les enfants, des matchs fabuleux, PSV Eindhoven, Bayern de Munich, Dynamo de Kiev, Split… Mon père n’avait pas d’autres vices que le foot. Il ne fumait pas, ne buvait pas. Aujourd’hui, moi, ce dont je suis fier, c’est que j’ai réussi à faire de ma passion mon métier. C’est quelque chose de fort.

Est-ce que vous vous intéressez à l’actualité générale ? Vous lisez des journaux autres que sportifs ?
Des fois, je sais pas si je vais vous faire rire, mais je dis à ma femme : «Dis-moi, est-ce qu’on a toujours le même président de la République ?»

Monomaniaque à ce point-là ?
Ouais, je regarde quand même beaucoup le foot, émissions, matchs, et y en a beaucoup, hein. Bon, j’essaye, quand même de regarder les gros titres. Comme tout le monde, j’ai été un peu déçu par le monde politique. Je suis un mauvais Français, à Bastia, j’avais fait une procuration à ma mère, mais depuis qu’elle est partie… C’est pas bien, c’est un devoir, il faut voter. Un jour, je regarde un Monaco-Nice, et il y a une minute de silence. Je me dis : «Mais c’est quoi, ça ?» Donc j’ai repris le Corse-Matin : «Ah merde, y a eu des intempéries, des morts. Mais tu es vraiment un abruti !»

Propos recueillis par Vincent Riou