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Jean-Michel LARQUE met un terme à 50 ans de football

Source :  Site Poteaux Carrés

Dimanche 17 juin 2018    

Après la Coupe du Monde, Jean-Michel Larqué mettra un terme à plus de 50 ans dans le foot. Le Parisien lui rend hommage sur deux pages aujourd'hui. Extraits.

"Larqué a la gagne. C’est lui qu’on écoute, d’abord sur le terrain puis au micro. Il débute dans l’équipe pro de l’AS Saint-Etienne à 18 ans et n’a jamais lâché le ballon jusqu’à 70 ans : capitaine des Verts, sept fois champion de France, trois Coupes de France — avec un retourné acrobatique en 1975 contre Lens, élu plus beau but de l’histoire de la compétition — une finale de Coupe d’Europe, 14 sélections chez les Bleus, où il était souvent remplaçant d’Henri Michel, le plus grand joueur français de l’époque qui vient de disparaître. Il entraîne ensuite brièvement le PSG, un échec assumé : "Je pensais être fait pour le métier d’entraîneur, j’avais passé tous les diplômes, et j’ai eu du mal, ça ne s’explique pas, je ne prenais aucun plaisir sur le banc." Son pied, il le prend à la télé, à la radio et dans la presse écrite, où il dirige pendant des années le magazine « Onze Mondial » : "C’est un cumulard, Larqué !", sourit Bernard Pivot, fan des Verts. Il a même réussi à être deux fois légendaire. Comme joueur en marquant les coups francs décisifs contre les Ukrainiens de Kiev ou les Néerlandais d’Eindhoven en 1976, puis comme consultant — le premier dans le foot — en entrant dans la mémoire collective avec ses "Tout à fait Thierry", les "cafécrème" », le "coup du sombrero" et "il lui a donné dans le zig, il est parti dans le zag" : Roland-Larqué, commentateurs du France - Brésil 1998 et marionnettes fétiches des Guignols de l’info, avant les années RMC, et un passage à Canal +, ça ne s’arrête jamais.

"Je travaille parce que j’aime ça. Je ne peux pas être oisif. Il faut que je comble… On me le reproche", confie-t-il. A l’origine de cette boulimie, son père, agent SNCF, qui joua un rôle important dans le foot amateur, au club la Jeanne d’Arc de Béarn à Pau : "Mon père a joué, entraîné ou dirigé ce club de 5 à 85 ans, jusqu’au jour de sa mort, explique le fils en nous montrant plusieurs photos de lui avec le héros de sa vie. Je suis avant tout jabiste (NDLR : les initiales du club, JAB). J’ai appris à marcher au stade. Ma grand-mère était concierge du club." Mais ses parents l’ont obligé à poursuivre des études supérieures. "Le papa Larqué m’avait interdit d’entrer au centre de formation de Saint-Etienne." Le fiston décroche le diplôme du Capes de prof de gym tout en jouant avec les pros : "J’ai enseigné un mois et demi. Mais après un match de Coupe d’Europe à Varsovie et un retour dans la nuit, le matin, ça a été, mais l’après-midi, j’avais 70 gamins. Je me suis endormi quelques secondes sur une table. Là, j’étais obligé de choisir." Va pour le foot, mais il garde la nostalgie des maîtres d’antan : "Les profs, à mon époque, étaient mieux considérés et mieux payés. Avoir le Capes, être un vrai prof, c’est une fierté." Un passeur, comme le confirme Dominique Bathenay. "Jean-Michel était très exigeant, mais il aidait les jeunes à s’intégrer. Quand je suis arrivé en pro, il a été le premier à m’inviter chez lui", confie le fabuleux Vert, à ses côtés lors de la finale de 1976 — son tir du gauche surpuissant avait été repoussé par la barre transversale."

Dans un long entretien paru ce jour (21 juin 2018) dans Le Figaro, Jean-Michel Larqué revient évidemment sur ses vertes années. Extraits.

 "Lors de la dernière de «Larqué Foot» le 8 juin dernier sur RMC, j'ai eu beaucoup de mal à retenir mes émotions et mes larmes. Quand vous voyez débarquer, celui pour qui vous avez un immense respect et qui vient spécialement d’Alger pour vous, ça ne laisse pas insensible. Je parle bien sur de Rachid Mekhloufi. Je n’ai pas un coeur de pierre et je me rappelle tout ce que cet homme m’a apporté. Je ne pleure pas parce que je suis fan de lui mais parce qu’il me rappelle de superbes souvenirs. Et puis, quand je vois mes anciens coéquipiers, Curkovic, Piazza, Lopez, Revelli, Santini, Rocheteau… qui se sont déplacés pour l’occasion. Ils sont là et ça veut dire quelque chose.

 On était plus qu’une équipe. A l’époque, on ne savait  pas qu’on resterait un groupe fortement uni par la solidarité. Quand j’entends aujourd’hui les déclarations : "on s’est réuni et on s’est parlé", nous on se parlait pas ou très peu mais sur le terrain on montrait l’exemple et on faisait le travail. Ce qui se faisait sur le terrain valait toutes les réunions et les déclarations qu’on entend maintenant. Ça me dérange qu’aujourd’hui on apporte autant d’importance à ces réflexions qui ne veulent absolument rien dire. Si le groupe "vit bien" ou "monte en puissance" comme ils disent, qu’ils me le montrent sur le terrain.

 Dans ma famille on ne vivait que pour le football. Mais le monde professionnel était très très loin de mes pensées et tout aussi loin des souhaits de mon père qui était mon entraîneur. Un jour, quand un monsieur lui a tapé sur l’épaule pour lui dire "ça serait bien que votre fils vienne passer huit jours à Saint-Etienne", il lui a répondu "on verra parce qu’il y a d’abord le baccalauréat". Même quand on sentait que je pouvais faire une carrière, quand j’étais titulaire à Saint-Etienne en 1966 à seulement 18 ans, il n’était pas question pour mon père que je lâche mes études.

 J’ai eu beaucoup de chance dans ma vie. J’étais dans un tout petit club à Pau, la Jeanne d’Arc du Bearn et en tant qu’international junior, je pouvais signer dans tous les clubs professionnels. J’ai vu défilé, rue Victor Hugo dans la maison de mes parents, à peu près les trois quarts des directeurs sportifs des clubs de D1 et D2 à l’époque. Je me souviens avoir vu des gens de Lille, de Rouen, de Strasbourg, de Lyon, de Bordeaux… et j’ai choisi Saint-Etienne. Pour quelles raisons, je ne sais pas mais ce qui est sur, c’est que si je n’avais pas fait ce choix, tout ce que j'ai vécu ensuite ne se serait probablement jamais passé. 

J'ai eu un accrochage avec Luc Sonor, que j'avais traité de pipe. Il a tenu à participer à la dernière de votre émission et il a salué ma carrière. C’était très fort et c’est la marque d'une grande intelligence. C’est bien la preuve qu’il y a des choses plus importantes qu’un contrôle manqué ou une passe ratée. Il faut relativiser. Quand on est footballeur, on a l’impression d’être le nombril du monde mais ça ne reste que du football et les commentaires ne restent que des commentaires. Je conçois que sur le coup ça froisse et que ça vexe mais au fil des années on se rend compte que ce n’est pas grand chose."

L'Obs  publie une longue interview de Jean-Michel Larqué, qui prendra sa retraite à la fin de la Coupe du monde. Extraits.

 "J’avoue m’être reconverti dans le journalisme parce que j’étais en échec au PSG comme entraîneur. Peu de temps après mon départ du club, je tombe sur Raymond Castans, patron de RTL. "Jean-Michel, qu’est-ce que vous allez faire la semaine prochaine ? - Aucune idée – Moi je le sais. Je suis en discussion avec Robert Chapatte, je vais lui dire de vous prendre comme consultant." RTL était le sponsor maillot du PSG. Il faut dire aussi que ça faisait un petit moment que j’entretenais de bons rapports avec la presse. En tant que capitaine de Saint-Etienne, je participais aux conférences de presse des matches importants du championnat de France et de la coupe d’Europe des clubs champions. Saint-Etienne était alors un peu l’équivalent du PSG d’aujourd’hui. On s’est qualifié successivement pour les demi-finales, la finale puis les quarts de finale de coupe d’Europe, tout cela engendrait beaucoup d’expositions médiatiques. Castans a dû voir que je parlais un français correct. Il pensait que ce métier était fait pour moi.

(...)

J'ai aussi écrit très tôt pour la presse. Cette fois, c'est moi qui ai eu l’impulsion, alors que j'étais encore joueur. Une nuit précédant un match de coupe d’Europe des clubs champions, j’étais dans ma chambre d’hôtel d’Andrézieux-Bouthéon, au nord-est de Saint-Etienne, et j’ai écrit un feuillet sur ce que je ressentais, mon état d’esprit du moment, les consignes de l’entraîneur, l’humeur de mes coéquipiers. Mon tout premier article, écrit à la main sur le papier à lettres du Novotel... Je l’ai donné à Gérard Ernault qui était rédacteur en chef à "L’Equipe" ou à "France Football", je ne sais plus. Si j'ai lancé la mode des consultants, je suis quasiment le seul à avoir touché à tous les supports journalistiques. Lizarazu, on lui écrit ses billets dans "L’Equipe" (rires). Je vous confirme qu’à "Onze Mondial" où j'étais rédacteur en chef, personne n'écrivait mes éditos à ma place."

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Sur le terrain, j’étais un numéro 8. Mais niveau état d’esprit en revanche, j’étais bien différent de Rabiot ! Je dois reconnaître avoir eu beaucoup de chance. Vous connaissez Saint-Etienne ? Pour un jeune gars du Béarn, c’est un changement culturel vraiment terrible. J’ai fait mon premier essai là-bas en août 1964, j’avais réussi le concours du jeune footballeur. C’était encore l’époque des machines à vapeur. Et l’hiver était long. Très long ! Surtout le premier (rires) ! Le prestige du club est venu plus tard. Quand j’avais 17 ans, Saint-Etienne n’était qu’un bon club français parmi d’autres. Pour être tout à fait honnête, je ne sais pas exactement pourquoi j’ai choisi ce club. Et si j’avais jeté mon dévolu sur un autre, je n’aurais sans doute pas connu une telle réussite sportive, ni la même après-carrière.

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A Saint-Etienne, on était à la lutte avec le Bayern à l’époque, avec deux affrontements (une demi-finale et une finale) en deux ans. Je me demande si Munich ne m’a pas simplement contacté dans le but de nous déstabiliser. D’ailleurs, le contact en est resté aux petites touches de gardon hein, ce n’était pas la pêche aux gros, quoi (rires) Le Real, en revanche, c’était du sérieux. Mais en 1975, Madrid était dans le creux de la vague. Sportivement, Saint-Etienne était bien au-dessus d’eux. Pour preuve, on ne les a jamais rencontrés en ligue des champions, pour la simple et bonne raison qu’ils n’y participaient pas. Ils m’avaient repéré durant un match amical à Saint-Etienne qu’on avait gagné 4-1. J’avais marqué un but. Je suis resté très longtemps en rapport avec un vieux dirigeant qui tous les ans m’envoyaient ses vœux. Quand même, j’avoue, ça flatte un peu mon ego d’avoir été courtisé par le Real…

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J’ai commencé à avoir des problèmes à un genou, qui m'ont privé de la coupe du monde 1978. Je n’ai pourtant jamais été blessé de ma vie, mais ça a été le début de la fin. C’est à ce moment que j’ai senti que je payais mes quatre années d’études de prof de sport, à Lyon en début de carrière. Je prenais le train à 5h42 en gare de Châteaucreux le matin. Je rentrais tard le soir, sans nécessairement m’entraîner.  Certains jours de match le samedi soir, je faisais deux heures de natation à la fac le matin, puis j’arrivais vers 13 heures à Saint Etienne et je mangeais tout seul au stade Geoffroy Guichard. L’équipe se réunissait à 17 heures, je faisais une sieste carabinée jusqu’à 16h45. Pas les conditions idéales pour un athlète... Mais voilà, si j’avais dit au père Larqué "je sèche la natation parce que j’ai match le soir", il m’aurait tiré les oreilles."