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Jean-Louis GASSET :
"On a redonné de la fierté aux gens." |
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Lundi 24 décembre 2018 |
L’entraîneur stéphanois fête sa première année à la tête de l’équipe professionnelle. En peu de temps, l’expérimenté technicien s’est imposé comme une figure importante de l’ASSE, dont il a grandement contribué à la très belle année 2018. Dans un entretien exclusif, il dresse le bilan de son premier anniversaire en Vert et décrit les clés de sa méthode.
Avant même d’en devenir l’entraîneur, quel est votre premier
souvenir de l’ASSE ?
Saint-Étienne reste le début des matches télévisés pour ma génération.
Les mercredis soir, sur un poste en noir et blanc, on attendait les exploits
européens de joueurs qui nous ont fait découvrir le football. Vous savez
pourquoi ce club restera le plus aimé par les Français ? Parce que,
sans lui, ils seraient passés à côté de ce sport.
Gardez-vous en mémoire un match contre les Verts datant de votre époque
de joueur ?
Je me souviens de deux matches de Coupe de France avec Montpellier contre
l’ASSE. Avec (Michel) Platini, (Dominique) Rocheteau, (Johnny) Rep,
(Jean-François) Larios face à moi… On les élimine en 1980. On avait fait
0-0 à la Mosson en ¼ de finale aller. Au retour, Jacky Vergnes marque le but
de la qualification de la tête face à Ivan Curkovic. Ça reste un très
grand souvenir. On avait éliminé des joueurs qui survolaient le championnat.
Même si, à la Mosson, c’était chaud pour eux (rires).
Comment était perçue l’ASSE à l’époque ?
L’ASSE était à part. C’était (il lève les yeux au ciel)... Ghislain (Printant)
vous en parlerait bien mieux que moi. Lui, il allait voir les matches à
Geoffroy-Guichard. Il aime bien me montrer la place exacte à laquelle il était,
me dire à quelle minute Dominique Rocheteau avait frappé… De tout temps ç’a
été son club. Moi, c’était la première fois que je soutenais une équipe.
J’aimais ces joueurs car ils allaient au bout des choses. Certains anciens
viennent parfois nous voir au centre d’entraînement. Je ne sais pas s’ils
se rendent compte de ce qu’ils représentent à nos yeux.
Avez-vous pensé à tous ces souvenirs au moment de rejoindre le
club, il y a un an ?
Quand les dirigeants m’ont contacté, j’ai fait un constat simple. Je me
suis dit que j’avais travaillé dans de grands clubs mais que ça me faisait
mal de voir l’ASSE souffrir de la sorte. Alors, si je pouvais lui donner un
coup de main…
Pourtant, vous ne sembliez pas enclin à replonger dans une aventure
sportive…
Je venais de sauver Montpellier mais, psychologiquement, j’étais fatigué.
Le football était loin de ma tête. Il n’y avait que Saint-Étienne pour me
faire partir de chez moi. Quand vous êtes plus proche de la fin que du début,
c’est le genre de défis qui vous fait vibrer. Remettre en selle un club
mythique comme ça, c’était un énorme challenge. Au départ, quand je suis
venu donner un coup de main à Julien (Sablé), c’était compliqué. On
n’arrivait pas à gagner. L’équipe était traumatisée. Mais, ce mois
avec lui m’a permis de découvrir le groupe et ses besoins.
Quels étaient-ils ?
J’avais besoin de Ghislain (Printant) à mes côtés car il a la même
vision du football que moi et, en plus, il adore ce club. Et, ensuite, on
avait besoin de renforts. Il nous fallait des joueurs qui avaient l’habitude
de jouer des matches à pression. Le but était de redonner de la confiance au
groupe en le renforçant. Et, c’est exactement ce qu’on a fait. Si on
avait voulu écrire l’histoire avant de la vivre, on n’aurait pas pu
penser à un meilleur scénario.
Comment mesurez-vous cette réussite ?
On a redonné de la fierté aux gens qui aiment ce club. La fierté d’égaliser
à Lyon à la dernière seconde, celle de faire une longue série
d’invincibilité, de se battre jusqu’au bout pour une qualification en
Europe. On a flanché sur la fin car on a payé la débauche d’énergie qui
a précédé. Mais, au fond, c’était un scénario idéal.
Avant la deuxième partie de saison, il y a eu votre première en tant
qu’entraîneur principal, le 20 décembre 2017, à Guingamp (1-2). Quel
souvenir gardez-vous de ce match ?
On avait été héroïques, à dix, et après avoir mené au score. Et
pourtant, on est battus à la dernière seconde. D’entrée (il souffle)…
C’est le genre de match où l’on se dit : «avec tout ce qu’on est en
train de vivre, on ne va quand même pas perdre à la dernière seconde, si ?»
Et, si, on perd à la dernière seconde. L’heure était grave. On était très
mal positionnés et le classement était très serré. Dès janvier, on allait
jouer contre des concurrents directs et il fallait être prêt. Mais, surtout,
il nous fallait des renforts.
Comment avez-vous convaincu Yann M’Vila, Neven Subotic, Paul-Georges
Ntep et Mathieu Debuchy, quatre joueurs internationaux, de venir à l’ASSE ?
En leur disant que j’avais besoin d’eux. Que j’avais accepté un
challenge et qu’ils devaient m’aider à le relever. Hormis Neven, je les
avais connus en Équipe de France et ils étaient dans une situation sportive
un peu bancale. Ils sont venus pour m’aider. En plus des challenges
personnels, ils ont montré beaucoup de valeurs humaines. Au final, Yann est
revenu proche du niveau qu’il avait en sélection et Mathieu a été à deux
doigts de disputer la Coupe du Monde. Je connaissais les joueurs, leur niveau
et leurs qualités, mais aussi les hommes. En leur disant que j’avais besoin
d’un coup de main, je savais que j’allais les convaincre.
Et Ghislain Printant, comment l’avez-vous lui aussi convaincu ?
Ghislain ? Il serait venu à pied pour travailler à l’ASSE (rires) ! Quand
je lui ai proposé de m'accompagner, oh pauvre (sic) ! Il sautait comme une
puce. Geoffroy-Guichard lui rappelle sa famille, son papa qui l’amenait au
stade. Pour lui comme pour moi, ce stade abritait pas mal de nos souvenirs.
Néanmoins, n’avez-vous pas craint l’accueil du public, au début
du mois de janvier, alors que l’équipe était au plus mal au classement ?
J’ai senti que tout le monde était fâché. L’atmosphère était pesante.
Il y avait un grand besoin de redonner de la confiance. Les joueurs ont fait
des efforts et les supporters nous ont suivis. Petit à petit, tout s’est
bien huilé. Les joueurs qui étaient déjà là sont revenus à leur niveau
et les nouveaux ont apporté leurs qualités.
Très vite, vous avez indiqué que le maintien se jouerait à
Geoffroy-Guichard.
On le voit encore cette année : à Geoffroy-Guichard, il y a quelque chose de
plus. Parce que les joueurs sont dans l’obligation de donner 101%.
L’exemple parfait, c’est le match contre Angers. On est menés 3-2 et on
arrive à retourner la situation. Les gens nous ont poussés parce que, comme
nous, ils ne voulaient pas la défaite. Ça nous a permis de nous surpasser.
Ce stade nous oblige à nous surpasser. Je le répète aux joueurs avant
chaque match à domicile : on n’a pas le droit de décevoir ces gens qui
nous aiment. Un public comme ça, ça se mérite.
Un an après, quel adjectif qualificatif utiliseriez-vous pour définir
le parcours de votre équipe depuis que vous la dirigez ?
Idéal. Idéal parce qu’avec 16 points à la trêve la saison dernière, on
avait à peine atteint le minimum syndical. Rapidement, j’ai senti qu’on
allait bouger tout le monde. Les recrues ont montré l’exemple et pas que
sur le terrain. Ils ont affiché un état d’esprit de gagnants. Leurs noms
et leurs parcours inspiraient déjà le respect mais leur attitude les ont
confortés. Ils sont devenus les leaders qui ont entraîné les autres. Stéphane
(Ruffier), Loïc (Perrin) ou Romain (Hamouma) ont repris confiance avec eux.
Après les titres avec Bordeaux et le Paris Saint-Germain, les compétitions
internationales avec l’Équipe de France et l’expérience avec
Montpellier, club fondé par votre père Bernard, quelle place aura l’ASSE
une fois votre carrière d’entraîneur terminée ?
Chez moi, sur mon armoire, à côté des trophées, il y a la lampe de mineur
que le club m’a donné la saison dernière. Cette lampe, elle est belle.
Elle représente le travail. Je pense avoir une image de quelqu’un de
travailleur. La lampe est l’incarnation des valeurs de cette région et ça
me va très bien. Je ne suis pas en costard-cravate, je ne suis pas
bling-bling, je n’aime pas trop passer à la télévision. Moi, c’est le
travail qui m’intéresse. Le travail et la passion de ce métier. Quand
l’histoire avec Saint-Étienne se terminera, je pense pouvoir dire que
j’ai réussi ma mission dans un club que j’aime avec des gens qui valent
le coup.
Quelle image souhaiteriez-vous que l’on garde de vous ?
Quelqu’un de professionnel, qui ne se la raconte pas, qui sait que tout va
très vite. Il ne faut pas faire le coq quand vous gagnez trois matches, de la
même manière qu’il ne faut pas faire l’autruche quand vous en perdez
trois autres. Dans la vie, il y a malheureusement des choses catégoriques,
sur lesquelles on ne peut pas revenir. J’ai appris à relativiser, à
freiner les ardeurs des gens. J’essaie de rester le même. Je ne
m’enflamme pas, mais je ne m’affole pas non plus. Tant que c’est du
football, tout va bien.
Comment garder cette philosophie alors que les enjeux sont chaque
fois plus importants dans le football professionnel ?
Aujourd’hui, quand on prépare un match, on articule la semaine de travail
selon les forces et les faiblesses de l’adversaire. On doit composer avec
les absents, les blessés, les méformes. Ensuite, on prépare une équipe
pour gagner le match, bien évidemment. Mais, après, une fois sur le
terrain… (il lève les yeux au ciel)
Une fois sur le terrain ?
Après, vous pouvez avoir un carton rouge au bout de dix minutes, un blessé,
un pénalty, un but refusé… C’est la loterie. C’est dur à imaginer,
mais, parfois, bien préparer un match ne vous garantit pas de le gagner. Ce
qui est sûr, c’est qu’il ne faut rien laisser au hasard avant le coup
d’envoi. Une fois que le ballon est en jeu, par contre, vous ne pouvez que
vous adapter. J’ai beau avoir fait je-ne-sais-combien de préparations de
matches, je n’en ai jamais vu deux qui se ressemblent. Parfois, on dit
"celle-là, je l’avais jamais vue". Mais, ça fait trente ans
qu’on ne l’avait jamais vue ! Quand on a joué à Bordeaux, j’ai vu des
choses pour la première fois de ma vie. Un joueur qui prend un carton rouge
puis qui revient sur le terrain, je l’avoue, je ne l’avais jamais vu.
Imaginons que j’aie fait un changement à ce moment-là en pensant que
Bordeaux finirait à dix… Ceci dit, j’aurais pu encore dire "celle-là,
je ne l’avais jamais vue !" (rires).